VATAN Louis Oscar Joseph

VATAN Louis Oscar Joseph

¤ 9 août 1888 à Maison-Salle, Sury-en-Vaux (Cher)
† 11 décembre 1914 à Bois-Brûlé, Apremont-la-Forêt (Meuse)
Sergent – 27e régiment d’infanterie – 26 ans
Tué à l’ennemi
Mort pour la France
Médaille militaire à titre posthume
Croix de guerre étoile d’argent

‘J’aimais beaucoup son courage tranquille, sa parfaite abnégation, et je savais par expérience que je pouvais compter sur lui dans les circonstances les plus difficiles’

Acte de naissance

N°34

Naissance
de
Vatan
Louis-Oscar-
Joseph
9 août 1888

L’an mil-huit-cent quatre-vingt-huit, le neuf du mois d’août à sept heures du soir par devant Nous, Ernest Manceau, Maire et Officier de l’Etat Civil de la commune de Sury-en-Vaux, canton de Sancerre, département du Cher, est comparu Vatan Louis grand-père de l’enfant, âgé de cinquante-cinq ans, profession de vigneron, demeurant à Meneton-Ratel, département du Cher, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né à Sury-en-Vaux (Maison-Sallé), le neuf du mois d’août an mil-huit-cent quatre-vingt-huit, à six heures du matin, du sieur Vatan Louis, absent momentanément pour cause de travail, âgé de vingt-sept ans, profession de vigneron, demeurant à Sury-en-Vaux, et de Gueneau Marie Louise, son épouse, âgée de dix-huit ans, profession de ménagère, demeurant à Sury-en-Vaux, département du Cher, auquel enfant le comparant a déclaré donner les prénoms de Louis-Oscar-Joseph.
Les dites déclaration et présentation faites en présence de Chollet Louis François, âgé de vingt-huit ans, profession de cordonnier, demeurant à Sury-en-Vaux, département du Cher, et de Thomas Silvain, âgé de cinquante-trois ans, profession de cordonnier, demeurant à Sury-en-Vaux, département du Cher.
Lecture faite du présent acte, les dits comparant et témoins l’ont signé avec nous, sauf Vatan Louis, comparant qui a déclaré ne le savoir.
[Signatures] Thomas / Chollet / E. Manceau

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Fiche matricule

Nom : Vatan
Prénoms : Louis Joseph
Surnoms : _
Numéro matricule du recrutement : 941.
Classe de mobilisation : _.


État civil :

Né le 9 août 1888, à Sury-en-Vaux, canton de Sancerre, département du Cher, résidant à Dijon, 12 rue Paul Cabet, canton du dit, département de la Côte-d’Or, profession d‘étudiant, fils de Louis et de Gueneau Marie Louise domiciliés à Talant, canton de Dijon-Nord, département de la Côte-d’Or.

Marié le _.


Signalement :

Cheveux et, sourcils noirs,
yeux gris, front découvert,
nez gros, bouche grande,
menton rond, visage allongé,
Taille : 1 m 84 cent. Taille rectifiée : _ m _ cent.
Marques particulières :
Degré d’instruction générale : 5.


Décision du conseil de révision et motifs :

Classé dans la 1e partie de la liste en 1909.
Classé dans la _e partie de la liste en 19_.


Corps d’affectation / Numéros au contrôle spécial – matricule ou au répertoire

Dans l’armée active : 56e régiment d’infanterie – 1010
Disponibilité et réserve de l’armée active : Régiment d’Infanterie Dijon – 163 / 05742
Armée territoriale et sa réserve : _.


Détail des services et mutations diverses.

Inscrit sous le n°89 de la liste du canton de Dijon-Nord.
A obtenu le Brevet d’aptitude Militaire le 29 juillet 1909.
Incorporé au 56e régiment d’infanterie à compter du 6 octobre 1909, arrivé au corps et soldat de 2e classe le dit jour. Caporal le 15 février 1910. Passé dans la disponibilité le 24 septembre 1911. Certificat de bonne conduite “accordé”
Rappelé à l’activité mobilisation générale du 2 août 1914. Arrivé le 3 août. Sergent le 4 novembre 1914. Décédé au Bois Brûlé le 11 décembre 1914 (tué à l’ennemi).
.


Campagnes

Contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 11 décembre 1914.

Blessures, citations, décorations, etc.

_.


Localités successives habitées
par suite de changements de domicile ou de résidence

Dates / Communes / Subdivisions de région / D : Domicile, R : Résidence

19 octobre 1911 / Dijon Grand séminaire / R
30 juillet 1914 / Arnay-le-Duc, cours Moingeon / R
.


Périodes d’exercices

Réserve : 1re dans le27e Régiment d’Infanterie, du 26 août au 17 septembre 1913.
– 2e dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Armée territoriale : 1re dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Spéciales aux hommes du service de garde des voies de communication :_.


Époque à laquelle l’homme doit passer dans :

La disponibilité de l’armée active :_
La réserve de l’armée active :_
L’armée territoriale :_
La réserve de l’armée territoriale : _
Date de la libération du service militaire :_

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Journal des marches et opérations du 27e régiment d’infanterie

En décembre 1914, le 27e régiment d’infanterie, composé en grands nombres de Bourguignons, se dirige vers le « secteur des bois », dans la Meuse, entre Saint-Mihiel et Apremont-la-Forêt. Dans le Bois-Brûlé se trouve une redoute, c’est-à-dire un fort fait de maigre maçonnerie ou de terre, de petite taille (voir photographie ci-dessous), qu’il s’agit de prendre à l’armée allemande. Le sergent Vatan appartient à la 4e compagnie, alors commandée par le capitaine Hugo, 1er bataillon.

Vue aérienne de la Redoute, prise par un avion de reconnaissance allemand.
Cliquer pour agrandir(1).

Plan manuscrit de la Redoute du Bois Brûlé issu du J.M.O. du 27e régiment d’infanterie, 22 décembre 1914.
Cliquer pour agrandir(2).

Entrées du 9 au 11 décembre 1914 :

9 décembre
En exécution des ordres du Général commandant le 8e Corps d’Armée, le 27e va se porter dans le secteur de la 32e brigade.
17h30
Le 1er bataillon quitte le cantonnement de Vignot pour se porter dans les tranchées du Secteur-Est et relever un bataillon du 210e [régiment d’infanterie] à la redoute du Bois Brûlé.
Itinéraire. – Boncourt, Pont-sur-Meuse, Mécrin, Marbotte, – Bois de la Louvière, Bos Brûlé.
La relève s’effectue vers 24 heures et dure 2 heures environ en raison de l’obscurité, des chemins boueux, impraticables et surtout de la proximité immédiate des tranchées allemandes (100, 60 et même 50 mètres).
Pendant toute la nuit fusillade ininterrompue. Quelques coups de canon également.

10 décembre 8h45
Canonnade d’une durée de 15’[minutes] environ à proximité du poste de commandement du Lieutenant-Colonel, aux abris Est (12 à 15  obus de 105 et une dizaine de 77*).
Les 2e et 3e bataillons quittent Vignot pour rejoindre le 1er bataillon.
Le 2e bataillon relève, dans la nuit du 10 au 11 décembre, un bataillon du 29e [régiment d’infanterie] dans les tranchées, à gauche du 1er bataillon (zône n°2).
Au cours de cette relève, qui est très difficile, en raison de l’obscurité complète et des mauvais chemins, le sergent Darnige de la 8e compagnie est blessé grièvement.
Les pertes de la journée sont de 5 tués et 19 blessés.
Le 3e bataillon est resté en réserve dans les abris à proximité du poste de commandement du Colonel Valentin. Fusillade et canonnade intermittentes.

11 décembre 8h45 à 9h15
Violente canonnade à environ 50 m en arrière des abris du poste de commandement du Lieutenant-Colonel, ensuite canonnade moins violente mais reprenant assez fréquemment.
En exécution des ordres du Commandement, le 27e doit attaquer deux parties de tranchées de la Redoute du Bois Brûlé dans lesquelles les Allemands avaient réussi à pénétrer.
Cette attaque est plus particulièrement confiée au 3e bataillon (Capitaine Tisserad Delange) et au 1er bataillon (voir ordre au dossier pièce n°4).
Elle est préparée avec le plus grand soin dans tous ses détails.
13h30
L’artillerie française, qui avait réglé son tir d’avance, exécute sur les tranchées et abris ennemis un tir d’efficacité d’une durée de 10’[un mot effacé. Certainement « minutes »], avec une extrême violence, au moyen de pièces de tous calibres.
Les attaques de l’infanterie au nombre de 3 sont exécutées de la façon suivante :
            Rapport du Lieutenant-Colonel Tisserand commandant le 27e, sur l’attaque exécutée le 11 décembre contre : 1° la courtine de l’ouvrage dit Redoute du Bois-Brûlé, 2° la tranchée fermant la gorge du Bastion Nord.
Attaque 1. –
La section du Sous-Lieutenant Chirossel, accompagnée d’un groupe de 8 sapeurs se porte en avant par ½ section. Le Sous-Lieutenant en tête prend le pas de course suivi de tous ses hommes et la ½ section atteint le boyau 2 qu’elle franchit.
L’apparition des premiers assaillants est accueillie par des feux violents partant du haut de la courtine allemande et d’un abri blindé, situé à environ 20 m en avant de l’extrémité du boyau 2. Une dizaine d’hommes entraînés par le Sous-Lieutenant se portent en avant. Plusieurs sapeurs le précédent.
Sous l’intensité du feu, ils ne peuvent atteindre l’objectif, malgré l’appui d’une partie de la 2e demi-section qui avait franchi le boyau.
Le Lieutenant Jeannin porte la 2e section de sa compagnie en avant, part en tête et est tué d’une balle en atteignant le boyau où sa section arrive alors que la fraction Chirossel se repliait.
Le franchissement du boyau devait être appuyé par le tir de la mitrailleuse M, mais elle ne put tirer qu’une centaine de cartouches. Elle était mise presque de suite hors de service par l’explosion d’un obus bouteille bombe qui tue le Sous-Lieutenant mitrailleur Gorceix. La mitrailleuse M’ du bastion exécute un tir sur la tranchée allemande située près et en dehors de la courtine d’où partaient des coups de feu.
Les mitrailleuses allemandes sont placées, l’une dans l’ouvrage extérieur de la courtine, l’autre dans un abri situé à 200 m environ et à l’Est du saillant de la courtine. Les 2 mitrailleuses prennent à partie le parapet du flanc nord du bastion et, par un tir bloqué, arrivent à détruire le revêtement en sacs à terre. Des bombes tombent sur le même point, près de la jonction de notre parapet avec la courtine et une brèche de 5 m de large est ouverte. Malgré le feu, la fraction de gauche de la compagnie Biarnois parvient à rétablir peu à peu un parapet provisoire et le travail est poussé rapidement lors de la cessation du feu des 2 mitrailleuses allemandes, l’un celle de l’ouvrage près de la courtine ayant été probablement mise hors de service par notre mitrailleuse du bastion, l’autre ayant été prise à partie par notre artillerie.
Pendant le combat qui s’est terminé vers 16 heures, l’artillerie ennemie n’a pas fait souffrir la redoute. Les obus de 77 mm n’ont pu parvenir à écrêter les parapets, mais en revanche elle a reçu un grand nombre de bombes.
Attaque B.
            Le rassemblement de la 12e compagnie sur la place d’Armes s’est fait en rampant et n’a reçu que quelques coups de fusil. Mais il était éventé car, dès que les 4 premières colonnes de ½ section se sont levées pour se porter en avant, elles ont été accueillies par une fusillade très violente avant même d’avoir pu franchir notre tranchée sur les points de passage préparés.
Néanmoins, elles ont continué leur mouvement énergiquement enlevées par le Capitaine Mazaroz qui s’était porté en tête de sa compagnie. L’attitude ce capitaine, a, d’ailleurs, été héroïque. Il a été tué en arrivant au pied du réseau de fils de fer allemand suivi par quelques hommes.
Cette attaque a été prise, dès qu’elle a débouché, sous des feux de front mais surtout de flanc ceux-ci provenant d’une mitrailleuse installée dans l’abri de la courtine. Les 4 chefs de section sont tombés dès le début de l’action en même temps que le capitaine.
Dès lors, l’attaque était brisée et les hommes se sont repliés dans la tranchée. Quant aux colonnes de soutien de cette compagnie, elles ont été refoulées en deçà de la tranchée et les hommes se sont couchés.
La 10e compagnie, qui devait appuyer la 12e compagnie a commencé son mouvement pour se former sur la place d’armes pendant que la 12e compagnie se portait en avant, mais elle a subi l’effet du mouvement d’arrêt de la compagnie qui la précédait et son offensive n’a pu aller plus loin que la tranchée F.
Attaque C. –
Le Lieutenant Renard a franchi les passerelles placées sur nos tranchées de 1ère ligne et réussit à arriver contre le parapet d’une tranchée allemande située à 30 m environ de la tranchée H’ du plan, malgré le feu de la mousqueterie et des mitrailleuses. Cette compagnie fut renforcée vers 14 h 15 par une section de la 4e compagnie commandée par le Sous-Lieutenant de Réserve Bouttaz qui fut blessé dès le début. Quelques temps après arrivait, dans cette zône, la compagnie de réserve (9e compagnie) qui avait été mise en mouvement de bonne heure. Son chef, le Capitaine Ferrier, s’élança à l’attaque mais il fut tué au moment où il franchissait nos tranchées de 1ère ligne. Quelques hommes seulement se portèrent en avant. Les autres se jetèrent dans les tranchées ou se couchèrent en arrière.

Le Capitaine Braun et le Sous-Lieutenant Soitout les forcèrent à se porter en avant.
Puis successivement cette attaque qui était toujours contre le parapet de la tranchée allemande fut renforcée par une section de la 10e compagnie et par une section de la 9e compagnie, commandée par le Sous-Lieutenant Laudet.
Le Capitaine Braun, qui avait pris le commandement de ce groupement, donna l’ordre au Sous-Lieutenant Soitout de faire porter des sacs à terre sur la ligne de feu.
Vingt hommes de la 4e compagnie, conduits par le soldat Ridard, allèrent à deux reprises porter des sacs à terre, des grenades et des cartouches.
Plus tard encore, comme j’avais donné l’ordre au Capitaine Braun de conserver à tout prix le terrain conquis, cet officier envoya encore ½ section de la 4e compagnie, puis 13 hommes du 3e bataillon, sous les ordre du sergent Paquelin de la 9e compagnie.
Finalement vers 20 heures, une soixante d’hommes, qui avaient sauté dans la tranchée allemande, étaient groupés là sous le commandement du Sous-Lieutenant Laudet ; s’y trouvait également le Lieutenant Renard blessé grièvement.
En face d’eux, dans une autre tranchée située à une trentaine de mètres, étaient les Allemands qui leur lançaient constamment des bombes et des grenades. De nombreux hommes étaient blessés ainsi que le Sous-Lieutenant Laudet. Je les ai fait soutenir fréquemment par des salves d’artillerie.
A la même heure arrivait à mon poste de commandement un sous-lieutenant du génie, avec une équipe de 40 sapeurs destinée au travail de nuit. Je l’ai immédiatement envoyé se mettre à la disposition du Capitaine Braun pour organiser la tranchée conquise de manière à s’y maintenir à tout prix.
Après une reconnaissance difficile, dans une obscurité profonde, il fut décidé d’ouvrir un boyau de communication entre cette tranchée et la tranchée O’. Le travail fut commencé mais avançait lentement dans les ténèbres. A chaque instant des hommes reviennent blessés par les bombes allemandes. Un soldat de la 11e compagnie qui était allé avec des brancardiers chercher, dans la tranchée conquise, le Lieutenant Renard blessé, vint dire que cet officier avait été touché par une bombe au moment où on soulevait le brancard au-dessus du parapet.
Il ne restait plus qu’un sergent et six hommes. Alors vers 2h10 le capitaine Braun leur donnait l’ordre de se retirer.
Le total des pertes est le suivant.
Tués : officiers 5, sous-officiers 9, caporaux et soldats 38.
Blessés : officiers 3, sous-officiers 26, caporaux et soldats 233.
Disparus : officiers 1, sous-officiers 3, caporaux et soldats 68.

* Il s’agit des calibres.

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Décès

N°30

Transcription de décès
de
Vatan Louis-joseph
célibataire

Du 5 avril 1915

L’an mil-neuf-cent-quinze, le huit janvier, à quinze heures étant à Cousances-aux-Bois. – Acte de décès de Vatan Louis-Joseph, sergent, 4e compagnie, immatriculé sous le numéro 05742, né le neuf août mil-huit-cent quatre-vingt-dix-huit à Sury-en-Vaux canton de Sancerre, département du Cher, domicilié en dernier lieu à Dijon, Grand Séminaire, décédé au Bois Brulé, commune d’Apremont (Meuse) le onze du mois de décembre mil-neuf-cent-quatorze, à dix-neuf heures, tué à l’ennemi, fils de Louis et de Gueneau Marie-Louise, domiciliés à Talant, canton de Dijon-Nord, département de la Côte-d’Or. Impossibilité de constater le décès. Dressé par nous Ruinet, Lieutenant, officier de l’Etat Civil sur la déclaration du Caporal [Fourrier] Redon Hippolyte et de Journey François, 2e classe territorial, quatrième compagnie témoins qui ont signé avec nous après lecture. – Suivent les signatures.
Pour expédition conforme, l’officier de l’Etat-Civil, signé : Ruinet.
Vu pour légalisation de la signature de M. Ruinet. Paris le 23 mars 1915. Le ministre de la Guerre, par délégation, le Chef du Bureau des archives administratives : signé : illisible.
L’acte de décès ci-dessus a été transcrit le cinq avril mil-neuf-cent-quinze, à neuf heures du matin, par nous Nicolas-Justin Hutin, Maire d’Arnay-le-Duc.
[Signature) Hutin.

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Données additionnelles

En 1908, Louis Vatan réside au Grand Séminaire de Dijon, situé au 12 rue Paul Cabet (bâtiment qui accueille un hôpital militaire pendant la guerre, puis la maternité de Dijon et, aujourd’hui, qui appartient au lycée Simone Weil).

Peu avant la guerre, en juillet 1914, l’abbé Louis Vatan est nommé vicaire à Arnay-le-Duc(3). Le soldat Henri Carlier, ferblantier arnétois, est également au 27e régiment d’infanterie, mort lors du baptême du feu du régiment, le 20 août 1914, à Dolving. Deux autres soldats arnétois meurent au Bois Brûlé : Théodore Gaulier du 13e régiment d’infanterie, le 1 janvier 1915, et Théophile Perrin, du 210e, le 1 décembre 1914.

La mort de Louis Vatan fait l’objet d’un long article dans plusieurs journaux, dont, le 27 janvier 1915, La Croix :

Belles figures de prêtres-soldats
M. l’abbé Vatan, sergent.

M. l’abbé Vatan, vicaire d’Arnay-le-Duc et de Saint-Prix, diocèse de Dijon, a été tué à l’ennemi.
Voici, d’après l’allocution de M. le chanoine Didier, quelques détails sur sa belle mort :

C’était le 11 décembre dernier. L’ennemi était en possession d’une redoute et de tranchées, dans la forêt d’Apremont, qui constituaient un obstacle permanent à notre offensive et à notre marche en avant. D’abord, un de nos régiments fut envoyé à l’assaut de cette position importante, mais bientôt l’on s’aperçut que ce n’était point suffisant et qu’il fallait donner aux assaillants quelque renfort.
M. l’abbé Vatan, avec la dernière section qu’il commandait en qualité de sergent, fut désigné pour conduire dans ce but une attaque à la baïonnette. En cette minute décisive, « notre cher ami, m’écrit un de ses compagnons d’armes, dont je ne fais que transcrire le récit, notre cher ami avait gardé tout son calme. Il distribuait à ses soldats des médailles du scapulaire, et comme je passais vers lui : « Tu vois, dit-il, je viens d’allumer la pipe d’assaut. » Il partit avec fougue, en tête de sa demi-section, mais avant d’arriver à la tranchée, il tomba, la poitrine trouée d’une balle, au-dessus du cœur. Je ne pus quitter mon poste que le soir et me hâtai pour essayer de le revoir une fois encore. Il était au poste de secours, étendu sur un brancard : on allait l’emporter à l’infirmerie du régiment pour l’évacuer. Il avait conservé toute sa connaissance, mais déjà la mort approchait, il sentait la gravité de son état. Il me reconnut, m’embrassa ; il ne pouvait déjà presque plus parler : l’air s’échappait de sa poitrine trouée. Il me demanda de vous écrire à vous, afin de prévenir sa mère. Il me dit avec peine : « Prie pour moi, j’offre mes souffrances au bon Dieu. » Ce furent ses dernières paroles. Son âme s’envola au ciel, tandis qu’on le transportait à l’ambulance.
Le 8 décembre, deux jours avant de mourir, après une étape de 25 kilomètres, il écrivait : « On fatigue, les pieds sont endoloris, mais on arrive. Vive Dieu ! c’est pour la France que nous peinons, et nous la sauverons à coups de sacrifices autant qu’à coups de fusils ! » Cette image de la patrie bien-aimée constamment hantait son esprit ; dans le courant de septembre, après de rudes journées de combat et avant d’aller pour des semaines s’ensevelir dans les tranchées des Hauts-de-Meuse, il écrivait : « Lorsque j’ai de bonnes et fréquentes nouvelles de ma mère, des miens et de toutes les personnes qui me sont chères, je me sens plus fort pour mener le bon combat : la patrie est derrière moi plus concrétisée, et on fait gaiement pour elle le sacrifice de toute chose. Ce n’est pas à dire que l’espoir du retour ne subsiste ; il est au contraire tenace et se fortifie en proportion des dangers courus et du nombre des compagnons qu’on a vus tomber ! ».
Espoir du retour ! Hélas ! cet espoir s’est évanoui à tout jamais. Quel bien n’eût-il pas accompli dans cette paroisse d’Arnay-le-Duc et Saint-Prix, lui que le chef du diocèse avait personnellement choisi pour ce vicariat, en se promettant de la rapprocher plus tard de sa personne ! Et ce n’est pas que son évêque qui le portait en haute estime ; écoutez ce passage d’une lettre que je recevais hier de son capitaine* : « J’avais déjà apprécié Vatan aux manœuvres de 1913. Depuis le début de la compagne, mon estime et mon affection pour lui n’avaient fait qu’augmenter. J’aimais beaucoup son courage tranquille, sa parfaite abnégation, et je savais par expérience que je pouvais compter sur lui dans les circonstances les plus difficiles. Il nous avait de plus, hélas ! rendu trop souvent le service de bénir les tombes provisoires du champ de bataille de nos pauvres camarades tombés ; il avait une heureuse influence sur les soldats, dont il avait ramené plusieurs à des sentiments religieux oubliés depuis longtemps, et j’avais eu le bonheur de recevoir de ses mains la sainte communion le 24 août dans l’église de Rehaincourt. C’est vous dire combien je regrette la disparition de ce saint prêtre et de ce soldat d’élite. Il nous reste plus de lui maintenant que le noble exemple qu’il nous a donné par sa mort héroïque. »
Dans la paroisse d’Arnay-le-Duc qui compte 73 prêtres, curés ou vicaires depuis la Révolution, M. Vatan aura été le dernier venu, mais qui oserait prétendre que son action aura été la moins féconde et que son souvenir ne restera pas aussi vivant et aussi bienfaisant que celui de beaucoup d’autres ?

(4)

* Il s’agit peut-être du capitaine Hugo, commandant la 4e compagnie, blessé légèrement le 11 octobre et évacué.

Le 16 février suivant, le même journal publie un nouvel article sur la mort de l’abbé sergent, avec quelques nouvelles informations provenant d’un camarade de guerre et de foi :

Apologétique tirée de la guerre
« En conduisant ses hommes à l’assaut »
M. le doyen d’Arnay a reçu d’un prêtre brancardier des renseignements sur la mort de son jeune et regretté confrère, M. l’abbé Vatan, du diocèse de Lyon :
Il est tombé face à l’ennemi le vendredi 11 décembre, à 3 heures, en conduisant ses hommes à l’assaut. J’ai pu avoir son corps. Il repose en paix dans une fosse spéciale surmontée d’une petite croix de bois faite par les soldats ; j’ai fait écrire dessus : « Ici repose M. Vatan, sergent au _e de ligne, tombé face à l’ennemi. Sacerdios in æternum ! » Si la famille de ce courageux martyr désire avoir son corps après la guerre, voici inclus le schéma du lieu de la sépulture…
Il n’a pas été tué sur le coup, mais, ramassés par deux Dijonnais, m’a-t-on dit, M. Albert Poillot, un pharmacien, ancien élève de la maitrise, et l’abbé Guillemin ; il aurait dit quelques paroles à ce dernier, et, transporté sur un brancard à l’ambulance, il serait mort pendant le trajet, vers 3 h. ½. Il avait aussi chargé un de ses hommes de m’écrire pour que je prévienne sa mère du malheur qui allait la frapper.
On remarquera le lamentable contraste de ces expressions : En conduisant ses hommes à l’assaut … sergent au _e de ligne…, Sacerdos in æternum.

(5)

Le 30 mai 1915, le conseil municipal d’Arnay-le-Duc se réunit, séance durant laquelle le maire essaie d’entretenir un certain optimisme patriotique et évoque les soldats arnétois tombés :

Conseil municipal. – A l’ouverture de la séance du 30 mai, M. Hutin, maire, s’est exprimé en ces termes :

« Messieurs et Chers Collègues,

« Depuis notre dernière réunion, de grands événements se sont accomplis ; pendant que les admirables soldats des puissances alliées tenaient en respect les barbares qui avaient rêvé l’anéantissement de notre pays, pendant que chaque jour ils les sortent des cavernes où ils se terrent, les idées de droit et de justice on fait du chemin.

« Nous sommes loin du pénible isolement de 1870 ; je ne crois pas être trop optimiste en disant que dès aujourd’hui la France a conservé dignement sa place dans le monde, toutes les nations ont compris que si nous avions succombé, c’en était fait des conquêtes morales que les siècles ont péniblement acquises à l’être humain.

« De toutes parts nous viennent des encouragements et des alliances. Les Etats qui nous étaient notoirement hostiles font maintenant des vœux pour la victoire française ; les républiques sud-américaines, les Etats-Unis eux-mêmes, se demandent si l’heure n’est pas venue d’entrer dans la lutte contre les sinistres Austro-Boches.

« Notre sœur latine, que des craintes chimériques avaient un instant jetée dans l’orbite germanique, s’est ressaisie, la terre des Garibaldi ne pouvait s’associer aux crimes teutons ; elle est venue à nos côtés prendre part au combat suprême d’où sortira l’humanité nouvelle.

« Jetez les yeux sur la carte d’Europe, voyez ce cercle immense de baïonnettes qui s’avance.

« La bête est traquée, mais elle n’est pas morte ; la formidable machine de guerre édifiée par les ennemis du genre humain est encore solide et il faudra de longs jours pour l’abattre.

« Soyons vaillants, soyons forts et surtout gardons-nous de toutes impatience.

« Acceptons stoïquement les sacrifices nécessaires.

« Vous le savez comme moi, mes chers collègues, les deuils augmentent et ce n’est pas sans une pénible émotion que je dois ajouter aux braves tombés glorieusement au champ d’honneur et dont les noms sont inscrits au plus profond de notre cœur, ceux de :

« 1° Louis-Joseph Vatan, sergent au … régiment d’infanterie, tué à l’ennemi le 11 décembre 1914, au combat de la forêt d’Apremont.
« 2° François Croci, soldat au 227° régiment d’infanterie, décédé à Commercy, le 5 janvier 1915, des suites de maladie.
« 3° Théophile Serrin*, décédé le 1er décembre 1914, des suites de blessures de guerre, dans la forêt d’Apremont.
« 4° Henri-Prosper Carlier, décédé antérieurement au 1er février 1915, des suites de blessures de guerre et inhumé par les soins des autorités allemandes (sépulture inconnue).
« 5° Théodore Gaulier, soldat au … régiment d’infanterie, tué à l’ennemi le 1er janvier 1915, au bois Brûlé devant Apremont.
« 6° Lucien Lacroix, du 10e régiment d’infanterie, décédé le 8 avril 1915, des suites de blessures de guerre, à l’hôpital mixte de Commercy.
« Boirin et Louis, lieutenant au 10e régiment d’infanterie.
« Pour terminer, messieurs, je vous demanderai de bien vouloir vous unir à moi pour adresser l’expression de notre admiration à nos compatriotes qui font leur devoir sur le front, sans oublier nos deux collègues, M. le Dr. Rogier et M. Pierre Roche. » (Marques d’assentiment)

(6)

*Il s’agit de Théophile Perrin, et non Serrin.

Le 8 juillet 1921, après avoir été rapatrié en Côte-d’Or, le corps de Louis Vatan est inhumé à Dijon, ainsi que le rapporte Le Bien du peuple de Bourgogne :

– Cérémonie douloureuse. – Vendredi, en l’église cathédrale Saint-Bénigne, à 9 heures et demie du matin, ont été célébrées les obsèques de M. l’abbé Joseph Vatan, vicaire d’Arnay-le-Duc, sergent au 27e régiment d’infanterie, décoré de la croix de guerre, tombé le 11 décembre 1914, à Saint-Agnan (Meuse), à l’âge de 26 ans.
Une très nombreuse assistance avait tenu à rendre les derniers devoirs au vaillant prêtre-soldat tombé pour la défense du sol sacré de la patrie.

(7)

L’ouvrage La Preuve du sang. Livre d’or du clergé et des congrégations, mentionne également le parcours de l’abbé Vatan et renseigne sur l’existence de deux citations qui ne figurent ni sur sa fiche matricule, ni dans le J.M.O. :

† VATAN (Louis-Oscar-Joseph), de Dijon.
Né à Sury-en-Vaux (Cher), le 9 août 1888 ; prêtre (juin 1914) ; vicaire à Arnay-le-Duc. – Mobilisé (Service Armé) sergent 27e régiment d’infanterie (2 août 1914).
Tué, le 11 décembre 1914, au bois Brûlé, dans la Forêt d’Apremont (Meuse), tandis qu’il entraînait ses hommes dans un assaut à la baïonnette.
Ordre Brigade, 1914. Texte manque.
Médaille militaire posthume, 5 juin (Journal Officiel, 29 octobre 1920) :
« Excellent sous-officier, d’un courage et d’un dévouement absolus. A toujours su donner l’exemple au feu. Mortellement atteint en entraînant ses hommes à l’assaut, le 11 décembre 1914, au Bois Brûlé. Croix de guerre avec étoile d’argent. »

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Sources

  • A.D. du Cher, état civil numérisé, Sury-en-Vaux naissances 1883 – 1892 (3E 5188), Vatan Louis Oscar Joseph, n°34, 1888, vue 110/181.
  • A.D. de la Côte-d’Or, recrutement militaire (1867-1940), classe 1908, bureau de Dijon (R 2458), vue 567/648.
  • S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, 27e régiment d’infanterie,5 août 1914 – 20 mai 1915 (26 N 601/1), vues 50-54/110.
  • A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1911 – 1915 (FRADO21EC 26/040), Vatan Louis Oscar Joseph (transcription), n°30, 1915, vue 234/271.
  • (1) Picquart, J.-M., (2006) « Vue aérienne allemande du 9 octobre 1914 de la redoute du Bois Brûlé », in La Grande Guerre de Verdun à Nancy [En ligne] (consulté le 1 mars 2022).
  • (2) S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, 27e régiment d’infanterie,5 août 1914 – 20 mai 1915 (26 N 601/1), vue 61/110.
  • (3) (13 juillet 1914), « Dans le Clergé » in Journal de Beaune, p. 2 [En ligne] Disponible sur Retronews.
  • (4) (27 janvier 1915), « M. l’abbé Vatan, sergent » in La Croix, p. 5-6 [En ligne] Disponible sur Retronews.
  • (5) (16 février 1915), « Apologétique tirée de la guerre » in La Croix, p. 6 [En ligne] Disponible sur Retronews.
  • (6) (5 juin 1915), « Arnay-le-Duc – Conseil municipal » in Journal de Beaune, p. 3 [En ligne] disponible sur Retronews.
  • (7) (10 juillet 1914), « Cérémonie douloureuse » in Le Bien du peuple de Bourgogne, p. 3 [En ligne] Disponible sur Retronews.
  • (8) Boulesteix, Calixte (1924), Livre d’or du clergé et des congrégations : 1914-1922. Deuxième partie lettres L-Z, tome II, Paris, p. 936. [En ligne] Disponible sur le site Eglise catholique en Finistère (consulté le 1 mars 2022).