La lettre du médecin-major Boulin

Jeanne Poillot, dite Marie, est née à Jouey près d’Arnay-le-Duc en 1886. Elle a 28 ans quand la guerre éclate. Son époux, Clément Parthiot, est plus âgé et n’est pas mobilisé puisqu’il est facteur à Arnay.

Les deux frères de Marie, eux, partent à la guerre. Amaury, de la classe 15, part en décembre 1914. Louis, de la classe 17, en 1916.

Nous sommes en mai 1917, quelque part en Champagne, peut-être vers la butte du Mesnil et la ferme de Beauséjour. Le soldat Amaury Poillot du 56e régiment d’infanterie ne donne plus de nouvelles à sa famille depuis quelques jours. Marie lui écrit, mais en vain. Une inquiétude indescriptible règne dans les familles Poillot et Parthiot. Marie sait son frère hospitalisé et lui enjoint de lui répondre ou de faire écrire un camarade ou un infirmier.

Carte postale présentant le champ de bataille la butte du Mesnil après septembre 1915.
Carte postale de la butte du Mesnil après septembre 1915

Le 29 mai 1917, le médecin-major Boulin, de l’ambulance 3/12, prend sur lui d’écrire à la mairie d’Arnay-le-Duc où réside Marie. Il n’est pas supposé le faire, c’est contraire au règlement comme il l’indique lui-même, mais qu’importe, il le fait.

Monsieur le Maire,

Une de vos administrées, Madame Marie Parthiot Poillot écrit à son frère Amaury Poillot, soldat au 56e d’infanterie, 10e compagnie, une carte ouverte pour lui demander de ses nouvelles et le prie de faire écrire un des infirmiers s’il ne peut le faire lui-même.
Bien que les règlements en vigueur s’y opposent et pour ne pas laisser plus longtemps la famille du soldat Poillot dans une inquiétude plus cruelle que la connaissance la vérité, je [me dois] à vous informer du décès de ce brave soldat.
Evacué le 13 mai 1917 dans mon ambulance pour une grave blessure à la cuisse droite, le soldat Poillot reçut les soins les plus actifs et les plus dévoués qui ne purent arrêter le mal. Il est décédé le 19 mai à 7 heures.
Je vous prie, Monsieur le Maire, de vouloir bien prévenir avec tous les ménagements nécessaires la famille de ce militaire, du malheur qui la frappe.
Le corps du défunt a été déposé dans un cercueil et inhumé dans une fosse individuelle, portant le n°303, au cimetière de la localité indiquée sur l’avis de décès ; en raison des circonstances cet acte met quelque retard à vous parvenir.
Veuillez recevoir, Monsieur le Maire, mes salutations distinguées.
Boulin

[Tampon : le médecin-chef. Ambulance]

Recto de la lettre de Boulin conservée aux archives municipales d'Arnay-le-Duc
Recto de la lettre envoyée par le Boulin au maire d’Arnay [Archives municipales d’Arnay-le-Duc]

Le soldat Amaury Poillot est mort des suites de ses blessures dans l’ambulance 3/12 installée à Somme-Tourbe, dans la Marne. Il a 22 ans.

Le maire d’Arnay-le-Duc, Nicolas Hutin, s’est-il rendu chez Clément et Marie Parthiot pour annoncer le décès d’Amaury ? Ou peut-être est-ce un de ses adjoints, Georges-Gabiot ou Bullier. Difficile de le savoir. L’avis officiel de décès n’est arrivé à la mairie qu’en novembre 1917.

Il est également possible d’imaginer que Louis Poillot, le cadet d’Amaury, s’est renseigné sur son frère et qu’il a pu obtenir des informations.

Les médecins postés aux ambulances militaires, comme Boulin, sont parmi les premiers à être confrontés aux horreurs que cette guerre fait vivre aux « hommes des tranchées ».

Carte postale du monument aux morts de Jouey
Le monument aux morts de Jouey où sont commémorés les frères Poillot. Carte postale d’Edmond Rimet.

Un an plus tard, la famille Poillot est à nouveau en deuil. Elle apprend la mort du sous-lieutenant Louis Poillot, du 317e régiment d’infanterie, mort de ses blessures le 25 juillet 1918.

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