GODARD Louis dit Joseph
¤ 30 janvier 1886 à Arnay-le-Duc
† 25 septembre 1915 entre Beauséjour et la butte du Mesnil (Marne)
2e classe – 26e régiment d’infanterie – 29 ans
Tué à l’ennemi
Mort pour la France
Croix de guerre avec étoile d’argent
Didier Godard
Acte de naissance
N°12
Acte de Naissance
de
Godard, Louis
(légitime)
—
30 janvier 1886
—
L’an mil huit-cent quatre-vingt six, le trente janvier à quatre heures et demie du soir, pardevant nous Antoine François Vollot, maire et officier de l’état civil de la ville d’Arnay-le-Duc chef-lieu de canton, arrondissement de Beaune département de la Côte-d’Or, a comparu le sieur Godard, Germain-Bazile, âgé de trente-un ans, sabotier, domicilié à Arnay-le-Duc rue Saint Honoré, lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin né aujourd’hui à six heures du matin, en son domicile, de son mariage contracté à Arnay-le-Duc le neuf mai mil-huit-cent quatre-vingt cinq avec Mercier Louise, âgée de vingt-trois ans, sans profession domiciliée avec lui, et auquel il a déclaré donner le prénom de Louis. Lesdites présentation et déclaration faites en présence des sieurs Gros Pierre Gabriel âgé de vingt-huit ans, marchand de fer & Cuny, Pierre âgé de trente un ans, rémouleur, tous deux domiciliés à Arnay-le-Duc, et ont, le père de l’enfant et les témoins signé avec nous le présent acte de naissance après lecture.
[Signatures] Godard / Gros / Cuny / A. Vollot
[Lien vers le document original]
Fiche matricule
Nom : Godard
Prénoms : Louis
Surnoms : _
Numéro matricule du recrutement : 316
Classe de mobilisation : 1906
État civil :
Né le 30 janvier 1886, à Arnay-le-Duc, canton du dit, département de la Côte-d’Or, résidant à Arnay-le-Duc, canton du dit, département de la Côte-d’Or, profession de sabotier, fils de Germain Basile et de Mercier Louise domiciliés à Arnay-le-Duc, canton du dit, département de la Côte-d’Or.
Marié le _.
Signalement :
Cheveux et, sourcils châtains,
yeux bleus, front ordinaire,
nez moyen, bouche moyenne,
menton rond, visage ovale,
Taille : 1 m. 63 cent. Taille rectifiée : _ m. _ cent.
Marques particulières : _
Degré d’instruction générale : 3.
Décision du conseil de révision et motifs :
Soutien de famille.
Classé dans la 1e partie de la liste en 1907.
Classé dans la _e partie de la liste en 19_.
Corps d’affectation / Numéros au contrôle spécial – matricule ou au répertoire
Dans l’armée active : 29e régiment d’Infanterie – 7666
Disponibilité et réserve de l’armée active : Régiment d’infanterie stationné à Autun – 95 / 02001
– Régiment d’Infanterie à Auxonne – 487 / 0827
– 26e régiment d’Infanterie – 4 / 019222
Armée territoriale et sa réserve : _
Détail des services et mutations diverses.
Inscrit sous le n°11 de la liste dans le Canton d’Arnay-le-Duc.
Incorporé au 29e régiment d’Infanterie à compter du 9 octobre 1907. Arrivé au corps et soldat de 2e classe le dit jour. Envoyé en congé le 25 septembre 1909 (circulaire ministérielle du 23 août 1909).
Certificat de bonne conduite “accordé”.
Affecté au régiment d’Infanterie stationné à Autun.
Classé non affecté des Postes comme facteur rural à Arnay-le-Duc du 13 juin 1910 au 25 août 1914. Rappelé à l’activité par dépêche ministérielle du 25 août 1914 n°8799 1/11.
Affecté au 10e régiment d’Infanterie à Auxonne. Passé au 26e régiment d’infanterie le 25 septembre 1914 (décision du général commandant la 8e région territoriale en date du 21 septembre 1914). Tué à l’ennemi à Beauséjour le 25 septembre 1915 (avis ministériel D.X. du 15 novembre 1915 n°1442).
Campagnes
Contre l’Allemagne du 25 août 1914 au 25 septembre 1915.
Blessures, citations, décorations, etc.
_.
Localités successives habitées
par suite de changements de domicile ou de résidence
Dates / Communes / Subdivisions de région / D : Domicile, R : Résidence
9 janvier 1910 / Meursault / Auxonne / R.
Périodes d’exercices
Réserve : 1re dans le_, du _ au _.
– 2e dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Armée territoriale : 1re dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Spéciales aux hommes du service de garde des voies de communication :_.
Époque à laquelle l’homme doit passer dans :
La réserve de l’armée active :_
L’armée territoriale :_
La réserve de l’armée territoriale : _
Date de la libération du service militaire :_
[Lien vers le document original]
Journal des marches et opérations du 26e régiment d’infanterie
Note : deux dates de décès différentes sont données. L’acte de décès indique que Louis Godard est décédé le 27 septembre 1915. Toutes les autres sources indiquent qu’il est décédé lors de l’attaque du 25 septembre, y compris l’historique du régiment publié en 1919. L’état civil régimentaire permettrait peut-être de trancher mais il est également possible que l’autorité militaire soit incertaine de sa date de décès. L’erreur peut aussi provenir d’une mauvaise lecture de l’acte envoyé à la mairie d’Arnay-le-Duc lors de la transcription. Cependant, il semble certain que Louis Godard n’a plus répondu à l’appel après le 25 septembre.
Au début du mois de septembre 1915, le 26e régiment d’infanterie arrive en Champagne, après plus d’un mois de repos bien mérité. Le 8 septembre, le régiment fraîchement équipé de nouveaux casques Adrian, monte dans le secteur de la butte du Mesnil, vers la ferme de Beauséjour. Pendant un an, ce secteur champenois situé entre Massiges et le secteur Suippes-Souain, est le théâtre d’un interminable affrontement. Allemands et Français grignotent quelques kilomètres carrés lors d’assauts meurtriers. En septembre 1915, les Français sont fermement établis le long du ruisseau du Marson. Un peu plus au Nord se trouve la ferme située sur la commune de Minaucourt (aujourd’hui Minaucourt-Mesnil-lès-Hurlus). La ferme de Beauséjour est entourée d’un bois du même nom, dans lequel se trouve la butte du Mesnil. Entre la ferme et la butte, les Allemands ont construit un fortin qui est repris sept fois rien qu’entre février et mars 1915.
Une offensive majeure se prépare. Elle doit se dérouler sur tout le front de Champagne. Parallèlement, Français et Britanniques se préparent aussi à attaquer conjointement dans le front de l’Artois. C’est le grand plan du maréchal Joffre. Il doit permettre de repousser les Allemands grâce à un avantage numérique et à une puissance d’artillerie supérieure. Les Allemands ne sont pas dupes et savent qu’une offensive se prépare. La butte du Mesnil constitue une véritable forteresse, et les Allemands possèdent des lignes de défense en contre-pente que la reconnaissance française a du mal à estimer. En plusieurs mois de guerre de position, les deux adversaires ont aménagé de nombreux abris et tunnels sur les ruines des villages et hameaux. La 1ère ligne française est située sur un champ de mines entre la butte et la ferme. Le jour-J est fixé au 25 septembre à 9 h. 15.
Entre temps, le régiment participe aux travaux d’aménagement des positions. Il faut creuser pour se rapprocher au plus près des ennemis. Le danger est permanent. Les obus de mortiers tombent quotidiennement, les balles sifflent et menacent chaque soldat dont la tête serait de quelques centimètres trop haute. Il y a aussi le risque des mines souterraines, car Français comme Allemands essaient de détruire les positions de l’autre en creusant des galeries bourrées d’explosifs. Le régiment occupe la 1ère ligne à partir du 22 septembre, date à laquelle commence un bombardement de presque trois jours. Dans la nuit du 24 au 25 septembre, les effectifs du bataillon prennent place sur leurs positions de départ. Des destructions dans les tranchées rendent difficile ce placement et certaines unités ne peuvent se positionner face à leur objectif. La météo n’est guère clémente, il pleut beaucoup, il y a de la boue et il fait froid. Sur 25 kilomètres, l’infanterie française, accompagnée de cavaliers, est prête. Le haut-commandement croit en l’offensive tant les efforts en reconnaissance sont important. L’artillerie semble avoir fait des ravages. Ça ne bouge pas du côté allemand, beaucoup doivent être déjà morts. Le soldat Louis Godard, dont nous ne connaissons pas la compagnie, attend l’heure H. avec ses camarades. 9 h. 15, les sifflets résonnent.
La butte du Mesnil, d’où furent chassés les allemands après un bombardement de 75 heures le 25 septembre 1915 [Photographie trouvée sur un site commercial].
Cliquer pour agrandir.
Entrées des 25 et 26 septembre 1915 :
Journée du 25 septembre
– Jour de N. –
L’heure du H. à laquelle attaque la 2ème armée est fixée à 9H15.
9H15. – La 1ère vague débouche des tranchées et passe rapidement les 1ères lignes allemandes, bientôt suivie des autres vagues.
La direction à suivre était celle du N. magnétique, mais le 69ème à droite n’ayant pas opéré son mouvement d’oblique vers la droite à la sortie des tranchées, les vagues du 25ème régiment d’infanterie se trouvent resserrées entre les éléments du 37ème régiment d’infanterie et du 69ème régiment d’infanterie qui semblent converger et un mélange se produit dans les unités.
Toutefois la progression continue surtout au 1er bataillon (gauche) et ne s’arrête que dans les 3ème et 4ème lignes de tranchées allemandes.
Pendant la nuit le Régiment continue à chercher à progresser.
Le lieutenant Tourtel passe à l’État-Major du 6e corps d’armée.
Journée du 26 septembre
Un bataillon du 418ème régiment d’infanterie est mis à la disposition du colonel. – Ce bataillon doit s’engager à gauche du Régiment pour faciliter l’avance sur la tranchée de la Crète.
À 7 heures, l’attaque doit être reprise (voir ordre de la Division N°900) mais le bataillon du 418ème est remis à la disposition du 69e régiment d’infanterie.
Le Régiment cherche à progresser mais ne peut que s’avancer de quelques mètres dans certains boyaux.
Les pertes de ces 2 journées s’élèvent à 5 officiers tués : lieutenant Robert, lieutenant Goermeg, sous-lieutenant Allerme, sous-lieutenant de la Marie, sous-lieutenant Besançon. 11 officiers blessés : capitaine Gouraud, sous-lieutenant Quesnel, sous-lieutenant Mori, sous-lieutenant Trampol, sous-lieutenant Lefebvre, sous-lieutenant Dhom, sous-lieutenant Godard, sous-lieutenant Stéphan, sous-lieutenant Philipps, lieutenant Rebourgeon, lieutenant Oudin.
Lieutenant Brayer disparu.
Tués 120, blessés 400, disparus 250.
Le régiment a fait aux allemands plus de 225 prisonniers, pris 5 mitrailleuses, des cartouches et un nombreux matériel armement, équipement, canons de tranchées, appareils techniques.
Journée du 27 septembre
Le 27 au matin les unités du régiment tiennent les points suivants :
Le 1e bataillon à sa gauche au delà du Boyau Neuf et de 502, il parvient jusqu’à la tranchée de la crête de 504 à 406.
Le 2ème bataillon a sa première ligne dans le Delta et un barrage allant jusqu’à la 3ème ligne allemande.
Le 3ème bataillon dans “Le Filet” occupe la 3ème ligne allemande jusqu’à 509.
L’ordre d’opérations pour la journée prescrit la continuation de l’offensive. La mission du 26ème est par la suite modifiée; demeurant sur les positions conquises, il doit assurer l’inviolabilité du front et s’organiser défensivement.
Une compagnie du 69e régiment d’infanterie mise à la disposition du bataillon Marchal est placée à la gauche du secteur et occupe une tranchée de 502 à 504.
Pertes : 30 tués et blessés.
Le journal de marche du 26e régiment n’est pas friand de détails. Lorsque l’offensive est déclenchée, il y a une grande confusion parmi les troupes qui se mélangent. Certains soldats perdent leur unité. Le franchissement des premiers mètres se passent sans grand accroc, mais dès que les régiments français atteignent la première ligne allemande, ceux-ci surgissent de leurs abris et ouvrent le feu. Les hommes du 160e régiment d’infanterie sont décimés et reculent ou se trouvent bloqués. Le 26e régiment et le soldat Louis Godard se trouvent face à la contre-pente de la butte du Mesnil, d’où sortent les Allemands qui sont jusqu’alors réfugiés dans des galeries et des abris. Quelques unités françaises, dont la 1ère compagnie du régiment, arrivent à tenir bon alors que d’autres unités sont prises au dépourvu. Les combats ne cessent pas avec la nuit et se poursuivent le 26 septembre. Les Allemands subissent eux aussi beaucoup de pertes et des compagnies entières capitulent mais les autres continuent leur défense. À la fin de ces deux journées, le régiment compte au moins 200 tués et 1 000 blessés et disparus(1). Malgré ces pertes, le régiment reste engagé jusqu’au 16 octobre, jour où les hommes peuvent enfin se reposer, et compter leurs morts.
[Lien vers le document original]
Décès
N°51
Transcription de
l’acte de décès
de
Godard Louis
—
Mort pour la France
—
L’an mil neuf cent quinze, le dix huit du mois d’octobre à sept heures trente minutes, étant à Hans, département de la Marne, acte de décès de Louis Godard, soldat de deuxième classe au vingt-sixième Régiment d’Infanterie, numéro matricule 0827, âgé de vingt-neuf ans, né à Arnay-le-Duc, Côte-d’Or, domicilié en dernier lieu à Meursault, Côte-d’Or, décédé au Combat de Beauséjour, Marne, le vingt-sept septembre mil neuf cent quinze, Mort pour la France, fils de Germain-Basile Godart et de Louise Mercier. Il nous a été impossible de nous transporter auprès de la personne décédée et de vérifier le décès. Dressé par nous Georges-Antime Mauduit, lieutenant au vingt-sixième régiment d’Infanterie, officier de l’État civil sur la déclaration de Georges-Gaston Godard et de Arsène Valek, tous deux soldats de deuxième classe vingt-sixième Régiment d’Infanterie, témoins, qui ont signé avec moi, après lecture.
Suivent les signatures.
Vu pour légalisation de la signature de M. Mauduit.
Paris, le 21 avril 1916.
Le ministre de la Guerre,
par délégation, le chef du Bureau des archives administratives.
Signature illisible
Mention rectificative
Loi du 30 septembre 1915.
Le nom patronymique du défunt ne doit pas être orthographié Godart, Il n’était pas domicilié en dernier lieu à Meusault, Côte-d’Or. Le second prénom de son père ne doit pas être orthographié Basile, ainsi qu’il est mentionné dans le corps de l’acte ci-contre.
Le défunt, dont le nom patronymique doit être orthographié Godard, né le trente janvier mil huit cent quatre-vingt-six, domicilié en dernier lieu à Arnay-le-Duc, Côte-d’Or, était époux de Nectoux Marthe. Le second prénom de son père doit être orthographié : Bazile.
Le ministre de la guerre
par délégation
Le chef du Bureau des archives administratives
Signature illisible
L’acte de décès ci-dessus a été transcrit le vingt-cinq août mil neuf cent seize, dix huit heures, par Nous, Nicolas Justin Hutin, Maire d’Arnay-le-Duc.
[Signature] Hutin
[Lien vers le document original]
Données additionnelles
Sauf mention supplémentaire d’une source, les informations suivantes sont aimablement transmises par M. Didier Godard, petit-neveu de Louis Godard. Les passages entre guillemets sont des citations exactes issues de nos échanges.
Louis Godard est le fils aîné du sabotier Germain Godard et de son épouse Louise Mercier. Nommé après sa mère, Louis se fait cependant appeler Joseph, surnom resté dans la mémoire familiale. Germain et Louise Godard ont sept enfants, « trois filles, Juliette, usuellement appelée Alice, morte en 1914 de la tuberculose, Henriette et Claudie, et quatre garçons, Louis, Félix, Émile et Julien ». Seul Julien, né en 1901, échappe à la guerre. Félix sert au 170e régiment d’infanterie pendant les quatre années du conflit et n’est démobilisé qu’en juillet 1919(2). Émile fait son service militaire lorsque la guerre est déclarée. Il est alors au 14e régiment de chasseurs à cheval, avant de passer dans l’artillerie lourde à tracteur en 1916, régiment notamment équipé des chars Saint-Chamond(3). Félix et Émile reviennent physiquement indemnes de la guerre. L’histoire de la famille de Germain et Louise est retracée dans le livre Le sabotier d’Arnay(4).
La saboterie Godard. Le bazar du centre des Rimet est visible à l’avant-plan [Carte postale provenant d’un site commercial].
Cliquer pour agrandir.
Comme cela se fait assez souvent dans les familles, les parents de Louis insistent plus sur l’éducation de leur aîné que sur celles des autres enfants. On pense à la prêtrise, peut-être sous l’égide de monsieur le chanoine Didier, curé d’Arnay-le-Duc. Mais Louis Godard semble avoir d’autres ambitions pour son avenir puisqu’il devient facteur des postes après avoir été un temps sabotier avec son père. Des lettres conservées et la mémoire familiale transmettent « l’idée d’un jeune homme soucieux de sa mise, qui commandait ses cravates à Paris et allait aux bals de la salle de Flore, rue Saint Honoré ».
De 1907 jusqu’au 25 septembre 1909, Louis Godard effectue son service militaire au 29e régiment d’infanterie caserné à Autun et au Creusot en Saône-et-Loire. De retour à la vie civile, le journal Le Progrès de la Côte-d’Or apprend aux lecteurs la nomination d’un nouveau facteur en avril 1910 :
ARNAY-LE-DUC. – Postes et télégraphes.
(5)
M. L. Godard est nommé facteur des postes et télégraphes, à Arnay-le-Duc.
Ce métier donne à Louis Godard un statut militaire particulier. À partir de 1910, il est classé comme non affecté, c’est-à-dire qu’il n’est pas soumis aux mêmes obligations militaires que ses pairs, en étant par exemple exempté des périodes d’exercice. Compte tenu de l’importance des facteurs pour le fonctionnement du pays et de la mobilisation, il n’est pas immédiatement appelé. Ce n’est que le 25 août qu’une dépêche ministérielle proclame le rappel de certains non affectés pour pallier les pertes importantes des premiers combats. Il n’est pas impossible que le soldat Godard soit téléphoniste au 26e régiment d’infanterie pendant la guerre, mais aucune source ne précise une affectation de compagnie ou une spécialité.
En 1914, Louis Godard épouse Marthe Nectoux, originaire d’Arnay-le-Duc mais habitante d’Épinac en Saône-et-Loire, fille de Jean Nectoux, retraité, et de Jeanne Congrain(6).
Le 23 novembre 1919, Louis Godard est cité au Journal officiel :
GODARD (Louis), matricule 019254, soldat : bon soldat. Belle attitude au feu. Tombé glorieusement, le 25 septembre 1915 à Beauséjour. Croix de guerre avec étoile d’argent.
(7)
Le 20 avril 1916, soit huit mois après le décès de Louis Godard, M. Hutin, maire d’Arnay-le-Duc, évoque la mort de son administré à la séance du conseil municipal :
ARNAY-LE-DUC. – Conseil municipal. –
(8)
Au début de la séance du 20 avril, M. le maire Hutin s’est exprimé en ces termes :
« Messieurs et chers collègues,
Depuis notre dernière réunion du 7 février, la liste déjà longue de nos concitoyens tombés au champ d’honneur s’est encore augmentée.
J’ai reçu l’avis officiel du décès de Louis Godard, soldat au 26e régiment d’infanterie, tombé glorieusement à Beauséjour (Marne), le 25 septembre dernier.
Claude Billet, soldat au …e régiment d’infanterie, blessé grièvement à la bataille d’Avocourt, le 22 mars, mort pour la France à l’hôpital de Chalon-sur-Saône, où il avait été évacué, des suites de ses blessures.
Je salue du plus profond du cœur ces vaillants soldats tombés en défendant notre chère patrie. C’est en suivant leur exemple, en réalisant l’union sacrée de tous les bons Français que viendra le jour de la victoire et l’anéantissement de nos impitoyables ennemis. »
[Suit l’ordre du jour]
Dans un premier temps, le soldat Godard est inhumé auprès de ses camarades dans le cimetière de Jonchery-sur-Suippe. La question des corps des soldats morts pendant la guerre est une véritable affaire d’État. Le rapport des populations aux défunts change profondément lors du conflit. L’État prend en charge la création de cimetières militaires et organise l’inhumation individuelle des soldats à partir de décembre 1915, lorsque c’est possible. D’autre part, la nature et la longueur de la guerre rendent difficile le recueillement pour les familles qui, dans un premier temps, vivent l’angoisse de l’absence d’information (le proche combattant est-il blessé, fait prisonnier, mort ?) puis, dans un second temps, ne peuvent se recueillir sur la tombe du défunt. Les soldats tués lors des premiers mois du conflit sont parfois rapatriés dans leur commune mais le gouvernement y met fin en novembre 1914. Des exceptions existent, notamment pour les soldats morts hors de la zone des armées comme ceux décédés dans des hôpitaux de l’arrière qui peuvent être inhumés dans leur terre natale à condition que les familles puissent payer les frais de rapatriement.
Cela change en 1920. Le mécontentement et la pression des familles, accompagnées par des élus, encouragent le gouvernement à changer sa politique. À partir du 31 juillet 1920, pour faire face aux pressions, accentuées par un certain nombre de violations de sépultures de combattants, les familles peuvent faire la demande de rapatriement des corps des soldats morts pour la France qui sont inhumés dans les anciennes zones de l’armée. La France voit alors une circulation inédite de dépouilles, pendant plusieurs années, transférées aux quatre coins du pays. Des entreprises privées sont mandatées pour répondre aux milliers de demandes. Les rapatriements se font progressivement, par zones géographiques des anciens lieux de combats. En France, puis en Allemagne et Belgique, et enfin en Italie et en Orient, des milliers de corps retrouvent leur famille(9).
M. Didier Godard raconte l’épopée de son aïeule Louise Mercier qui souhaite que son fils puisse reposer auprès des siens : « Après la guerre, dès qu’elle le put, mon arrière-grand-mère se rendit elle-même en Champagne sous ses voiles noirs pour récupérer le corps de son fils qu’elle ramena à Arnay et qui fut enseveli dans le caveau familial où reposait déjà sa sœur Alice. Dans les récits qui me furent faits de cette expédition par mes grands-parents perçait toute l’admiration qu’ils avaient pour cette énergique personnalité, qui était le vrai chef de la famille et illustrait le matriarcat bourguignon cher à Henri Vincenot […] Louise a-t-elle ramené elle-même le corps de son fils par le train, dont elle était une utilisatrice assidue ? A-t-elle fait appel au garagiste Léon Mauchaussé, qui avait un garage sur la Nationale 6 et qui était l’un des rares à Arnay à l’époque à avoir un camion ? Mauchaussé faisait métier de ramener les corps réclamés par les familles, activité, paraît-il, fort lucrative. »
La tombe de Louis Godard à la nécropole nationale de Jonchery-sur-Suippe existe toujours mais il repose aujourd’hui auprès des siens, grâce à la volonté de sa mère.
Le soldat Julien Denninger du 60e régiment d’infanterie meurt de ses blessures le même jour que Louis Godard dans le secteur de Jonchery une dizaine de kilomètres plus à l’Ouest.
Carte
Sources
- A. D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1885 – 1892 (FRAD021EC 26/035), Godard Louis, n°12, 1886, vues 42-43/585.
- A.D. de la Côte-d’Or, recrutement militaire (1867-1940), classe 1906, bureau d’Auxonne (R 2405), vue 498/773.
- S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, 26e régiment d’infanterie, 22 juin 1915 – 29 juin 1916 (26 N 600/7), vues 24-25/58.
- A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1916 – 1920 (FRAD021EC 26/041), Godard Louis (transcription), n°51, 1916, vues 26-27/329.
- (1) (1919), Historique du 26e régiment d’infanterie pendant la Grande Guerre 1914-1918, Nancy, éd. Berger-Levrault, p. 64 [En ligne] Disponible sur Gallica.
- (2) A.D. de la Côte-d’Or, recrutement militaire (1867-1940), classe 1908, bureau d’Auxonne (R 2453), vue 628/1086.
- (3) A.D. de la Côte-d’Or, recrutement militaire (1867-1940), classe 1913, bureau d’Auxonne (R 2495), vue 469/603.
- (4) Godard, Didier (2011), Le sabotier d’Arnay, Arnay-le-Duc, éditions d’Arnay, nouvelle éd. Revue et augmentée, 149 p.
- (5) (17 avril 1910), « Chronique » in Le Progrès de la Côte-d’Or, p. 2 [En ligne] Disponible sur Retronews.
- (6) A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1911 – 1916 (FRAD021EC 26/040), Godard Louis-Joseph – Nectoux Marthe (promesse de mariage), n°12, 1914, vue 221/271.
- (7) (23 novembre 1919), Journal officiel de la République française. Lois et décrets, p. 13275 [En ligne] Disponible sur Gallica.
- (8) (24 avril 1916), « Dans le département » in Le Progrès de la Côte-d’Or, p. 3 [En ligne] Disponible sur Gallica.
- (9) Pau, Béatrix (2017), « Le ballet des morts » in Inflexions, 35(2), pp. 167‑174. / Pau, Béatrix (3 janvier 2018), « La restitution des corps » in Le Souvenir Français [En ligne].
- Photographie : courtoisie de M. Didier Godard.