Acte de naissance

N°42

Acte de Naissance
de
Moreau
Robert
(légitime)
—
Du 1^er mai 1889
—

L’an mil-huit-cent quatre vingt neuf, le premier mai, à onze heures du matin, pardevant nous Antoine François Vollot, maire officier de l’état civil de la ville d’Arnay-le-Duc, chef-lieu de canton, arrondissement de Beaune, département de la Côte-d’Or, a comparu le sieur Moreau, Charles, âgé de trente-un ans, ferblantier domicilié à Arnay-le-Duc, rue du Faubourg Dijon, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin né le trente avril dernier à dix heures et demie du soir en son domicile, de son mariage contracté à Arnay-le-Duc le neuf mars mil-hui-cent-quatre-vingt-cinq avec Bouley, Jeanne âgée de vingt-huit ans, couturière domiciliée avec lui et auquel enfant il a déclaré donner le prénom de Robert ; lesdites présentation et déclaration faites en présence des sieurs Chassagne, François Joseph âgé de vingt-neuf ans, horloger bijoutier domicilié à Arnay-le-Duc, et Lhomme-Budin, Claude, âgé de trente-sept ans, boulanger et aubergiste, domicilié audit Arnay-le-Duc, et ont le père de l’enfant et lesdits Chassagne, François Joseph et Lhomme-Budin, Claude, témoins signé avec nous le présent acte de naissance après lecture.
[Signatures] Moreau Charles / J. Chassagne / Lhomme Budin / A. Vollot

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Fiche matricule

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Journal des marches et opérations du régiment d’infanterie coloniale du Maroc

Le régiment d’infanterie coloniale du Maroc (R.I.C.M.) est formé en juin 1915 à partir du 1^er régiment de marche d’infanterie coloniale. Contrairement à ce que le nom peut laisser penser, il n’y a pas de soldats venant des colonies dans ce régiment. Il est composé de blancs de la métropole et d’outre-mer. Ce sont des troupes de marine, des marsouins.

10 août 1916. Le régiment est affecté au secteur de Fleury, entre Verdun et le fort de Douaumont. Fleury-sous-Douaumont, village martyr devenu symbole des destructions de la guerre, est le centre de l’attention du commandement français dans le secteur. Quand la bataille de Verdun commence en février 1916, les habitants restés chez eux sont forcés de fuir définitivement. Avec la chute du fort de Vaux au début du mois de juin, Fleury est sur le chemin destructeur des deux armées. Le 23 juin, une offensive allemande d’envergure retourne le sol de ce village qui n’est plus que ruines. Un bataillon de chasseurs français est presque annihilé en essayant de le défendre. Les Allemands prennent le village, avant de le perdre le lendemain, puis parviennent à le reprendre. Le 27, il est partiellement repris par les Français. Le 11 juillet, un nouvel assaut allemand permet la recapture de Fleury. Les combats et bombardements continuent jusqu’au mois d’août.

Environs de Verdun. Emplacement du village de Fleury [Images Défense]⁽¹⁾
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Le marsouin Robert Moreau appartient à la 3^e compagnie de mitrailleuses (capitaine Bonavita), 4^e bataillon (dit bataillon Alix). Lorsqu’il arrive dans le secteur de Fleury, Robert Moreau et ses camarades découvrent un paysage lunaire, charnier ouvert sous le ciel brûlant du mois d’août. L’odeur de poudre, de sang et des corps allemands et français entremêlés et en décomposition, témoignent de la férocité des combats qui s’y déroulent depuis des mois. Le commandement pense initialement préparer une nouvelle offensive pour reprendre Fleury. Mais les conditions sur le terrain ne laissent guère de doute sur les conséquences d’un tel assaut. Le journal des marches du R.C.I.M. à la date du 10 août souligne qu’il « a été reconnu qu’une attaque de vive force dans un terrain aussi bouleversé où il n’existe plus trace de rues, ni de maisons, avait peu de chances de réussite » [vue 185]. Il est donc décidé que le régiment, accompagné de sapeurs du génie, participe à un travail de sape. Il s’agit de creuser tranchées et galeries sous-terraines pour se rapprocher des lignes ennemies. Plus la ligne de départ française sera proche des lignes allemandes, moins les soldats auront de terrain à parcourir à découvert lors de la prochaine offensive. C’est un travail de longue haleine, sous la chaleur aoutienne, les balles, grenades et les obus. Les travaux avancent bien. 30 mètres le 11 août pour 6 soldats perdus. 50 mètres le 12 août pour 17 pertes.

Entrée du 13 août 1916 :

13 août
Le 13 août à 7 heures nos positions dans le village de Fleury étaient celles indiquées sur le croquis ci-joint* :
– Pas de changement dans la répartition des troupes.
Même mission.
La journée et la nuit ont été employées principalement à la consolidation des travaux d’approche exécutés les jours précédents.
L’organisation défensive actuelle est suffisamment forte pour parer à toute éventualité.
À Fleury la tranchée allant de H vers D’’ (voir croquis joint au compte rendu du 12 au 13) est presque terminée, il ne manque plus qu’une dizaine de mètres pour que les 2 points se rejoignent.
L’ennemi montre de l’énervement. Vers 0 h. 30 il fait une attaque à la grenade sur la droite du bataillon de droite. Il est immédiatement repoussé par le feu d’une de nos mitrailleuses et nos tirs. Des groupes ennemis sans doute une relève, ayant été aperçus défilant entre 0 h. et 1 heure, devant le front de la compagnie de gauche du bataillon de droite ont été pris sous nos feux de mitrailleuses et d’infanterie et n’ont pas riposté.
Des patrouilles ont été envoyées et sont rentrées sans incident.
Pertes : 1 soldat tué. 12 soldats blessés.

* les croquis mentionnés ne sont plus dans J.M.O.

Le soldat Moreau fait partie des blessés. Sa section de mitrailleuses est certainement victime de l’attaque allemande par grenade. Il est évacué à Landrecourt-Lempire, 13 kilomètres au sud de Fleury, où il décède de ses blessures le lendemain. Les travaux du régiment se poursuivent jusqu’au 17 août, jour de l’attaque. Fleury est repris 24 heures plus tard. Le prix de l’attaque est lourd : environ 120 tués et 312 blessés. Les Allemands ne reprendront pas Fleury-devant-Douaumont.

Environs de la chapelle Sainte Fine [Images Défense]⁽²⁾
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Décès

N°65

Transcription de lacte
de décès de
Moreau Robert
—
Mort pour la France
—

L’an mil neuf cent seize le quatorze du mois d’août à dix neuf heures étant à Landrecourt arrondissement de Verdun, département de la Meuse. Acte de décès de Robert Moreau soldat de deuxième classe au Régiment Colonial du Maroc, troisième compagnie de mitrailleuses immatriculé sous le numéro mille trente sept du Registre Matricule du Recrutement d’Auxonne classe mil neuf cent neuf né le trente avril mil huit cent quatre vingt neuf à Arnay-le-Duc, canton dudit, département de la Côte-d’Or domicilié en dernier lieu à Arnay-le-Duc ‘’Mort pour la France’’, à Landrecourt arrondissement de Verdun, département de la Meuse le quatorze du mois d’août à dix neuf heures, fils de feu Charles Moreau et de Jeanne Bouley domiciliée à Arnay-le-Duc canton dudit département de la Côte-d’Or, nous nous sommes transporté auprès de la personne décédée et assuré de la réalité du décès. Dressé par nous Jules Nicolas Nabholtz, officier d’administration de troisième classe, officier de l’Etat Civil, sur la déclaration de Victor Géruy, sergent infirmier âgé de trente et un ans, et de Fernand Hubert, infirmier âgé de vingt-deux ans, témoins qui sont signé avec nous après lecture.
Suivent les signatures. Vu par nous Haller Prosper, médecin chef de ladite formation sanitaire, pour légalisation de la signature de M. Nabholtz sus-qualifié.
Signé : illisible.
Vu pour légalisation de la signature de M. Haller Prosper. Paris le vingt huit septembre mil neuf cent seize.
Le Ministre de la Guerre
par délégation
Le chef du bureau des archives administratives.
Signé : illisible
L’acte ci-dessus a été transcrit le dix octobre mil neuf cent seize, dix heures par nous Nicolas Justin Hutin, maire d’Arnay-le-Duc.
[Signature] Hutin
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Données additionnelles

La famille Moreau réside rue du faubourg Dijon. En 1911, elle est composée de la mère Jeanne, veuve, et des enfants Georges, Jules et Marthe. Bien que domicilié légalement à Arnay-le-Duc, Robert n’y est pas recensé, ainsi que son frère Charles. En 1905, alors âgé de 16 ans, Robert Moreau est à Lorient (Morbihan) et s’engage dans la marine nationale. Son engagement doit durer jusqu’à la fin de son service militaire (1912). Jeune marin mécanicien, il sert d’abord au 3^e dépôt des équipages de la flotte. Les dépôts sont des casernes pour les marins. Le 3^e dépôt est situé à l’arsenal de Lorient. Il entre ensuite à l’École des Apprentis Mécaniciens de la Marine Nationale, certainement à Toulon (une antenne existe alors à Brest) puisqu’il passe ensuite au 5^e dépôt des équipages. Robert Moreau sert un temps au Maroc sur le transport Vinh Long, de 1909 à janvier 1910. Utilisé comme transport de troupes, notamment à Madagascar en 1895, puis jusqu’en Chine en 1900, il est utilisé en Algérie et au Maroc pour transporter des malades en 1909. Le navire est transformé en hôpital pendant la guerre, puis coule en 1922 suite à un incendie.

Le Vinh-Long en 1880⁽³⁾.
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Son engagement prend fin en octobre 1912. Il rentre certainement un temps auprès de sa famille à Arnay-le-Duc puisque c’est à la mairie d’Autun, en janvier 1913, que Robert Moreau décide de se réengager. Il semble avoir trouvé un intérêt pour le Maroc et l’Afrique du Nord puisqu’il décide de rejoindre l’infanterie coloniale. Son régiment est mis en marche pour la métropole en septembre 1914.

Le 28 novembre 1921, Robert Moreau est cité au Journal officiel :

MOREAU (Robert), matricule 20037, soldat : brave soldat. Mort pour la France, le 14 août 1916, des suites de ses glorieuses blessures reçues devant Verdun. Croix de guerre avec étoile de bronze.

(4)

La guerre est une épreuve terrible et difficilement descriptible pour la famille Moreau. Un roman autobiographique écrit par M. Jean Godard qui évoque notamment sa jeunesse arnétoise dans les années 50, dont les lignes suivantes nous sont transmises par son fils, raconte une terrible journée d’été vécue par une certaine Marie Marbeuf :

[…] Un jour d’été, alors qu’elle était dans son jardin en train de soigner ses fleurs, elle aperçut le facteur qui gravissait péniblement le chemin desservant le quartier pauvre d’Arnay qu’elle habitait. Et ce fut la révolte.

Non, s’était-elle écriée, non, je ne veux pas. Ce n’est pas vrai.

Elle avait compris que le facteur apportait la nouvelle de la mort au front de son troisième fils. À partir de ce jour-là Marie Marbeuf fut bizarre et le reste jusqu’à sa mort. Elle secouait sans cesse la tête en disant : « Non, non. » Elle continua tout de même à tenir sa maison mais elle parlait à ses vaches comme elle eût parlé à ses fils.

(5)

Il ne fait nul doute que le personnage de Marie Marbeuf est en réalité Jeanne Bouley, veuve Moreau. Vers octobre 1916, une funeste lettre, la première, lui apprend le décès de son fils le soldat Robert Moreau. Durant l’été 1919, alors que la guerre avec l’Allemagne est terminée, le facteur gravit à nouveau le chemin de la maison de Jeanne pour lui annoncer le décès de Georges, mort de maladie en lointaine Croatie, un mois après l’armistice. Le récit de M. Godard fait peut-être référence à cet épisode puisqu’il est question de l’été. Madame veuve Moreau sait-elle, alors, que son fils Charles, dont le décès n’est pas officiel, est lui-aussi mort depuis 1915 ? Des camarades de Charles ont-ils écrit, ou sont-ils venus la voir au détour d’une permission pour lui raconter la journée du 5 avril 1915, la dernière où Charles est aperçu en vie ? Peut-être que Jeanne croit encore qu’il est en vie, interné dans un asile ou hospitalisé quelque part, incapable de se signaler. La justice ne tranche qu’en 1923, et Jeanne Bouley, veuve Moreau est officiellement reconnue comme la mère de trois enfants morts pour la France.

Robert Moreau repose à la nécropole nationale de Landrecourt-Lempire auprès de 1 961 de ses camarades.

Tombe de Robert Moreau⁽⁶⁾.

Carte

Sources

• A. D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1885 – 1892 (FRAD021EC 26/035), Moreau Robert, n°42, 1889, vues 276-77/585.
• A.D. de la Côte-d’Or, recrutement militaire (1867-1940), classe 1909, bureau d’Auxonne (R 2464), vue 61/519.
• S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, régiment d’infanterie coloniale du Maroc, 9 septembre 1914 – 31 décembre 1916 (26 N 868/1), vue 186/211.
• A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1916-1920 (FRAD021EC 26/41), Moreau Robert (transcription), n°65, 1916, vues 33-34/329.
• (1) (1916), « Environs de Verdun. Emplacement du village de Fleury [légende d’origine] », in Images défense [En ligne] (consulté le 14 mars 2022)
• (2) Samama-Chikli, Albert (23 février 1917), « Environs de la chapelle Sainte Fine [légende d’origine] », in Images défense [En ligne] (consulté le 14 mars 2022)
• (3) (s.d.) « Le transport-hôpital Vinh-Long » in Net Marine [En ligne] (consulté le 14 mars 2022).
• (4) (28 novembre 1921), Journal officiel de la République française. Lois et décrets, p. 3143 [En ligne] Disponible sur Gallica.
• (5) Ces lignes ont été transmises par M. Didier Godard, d’après le manuscrit du roman de son père.
• (6) Nécropole nationale de Landrecourt-Lempire, relevé des sépultures, photographie déposée par l’utilisateur Viala [En ligne]. Disponible sur Geneanet.