FAULEAU Claude François

FAULÉAU Claude François dit Antonin

¤ 8 août 1889 à Arnay-le-Duc
† 22 juin 1916 à Marcelcave (Somme)
Soldat –  55e bataillon de chasseurs à pied-  26 ans
Suicide

Signature de Claude Fauléau en 1913
“De peur d’être tué”.

Acte de naissance

N°80

Acte de naissance
de
Fauleau
Claude François
(légitime)

du 8 août 1889

L’an mil huit cent quatre-vingt-neuf, le huit août à onze heures et demie du matin. Pardevant nous Antoine François Vollot, maire, officier de l’Etat civil de la ville d’Arnay-le-Duc, chef-lieu de canton, arrondissement de Beaune département de la Côte-d’Or, a comparu le sieur Fauléau, Claude François âgé de quarante ans, ouvrier en limes et marchand de faïence domicilié à Arnay-le-Duc, rue Saint-Honoré, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin né aujourd’hui à dix heures et demie du matin en son domicile de son mariage contracté à Arnay-le-Duc le quinze janvier mil huit cent soixante-dix-sept avec Rignault, Catherine, âgée de trente-quatre ans, sans profession domiciliée avec lui, et auquel enfant il a déclaré donner les prénoms de Claude François ; lesdites présentation et déclaration faites en présence des sieurs Robin, Louis-Gaspard, âgé de cinquante-un ans ferblantier domicilié à Arnay-le-Duc et Naudin, Philibert-Laurent, âgé de trente-cinq ans, menuisier ébéniste, domicilié au dit Arnay-le-Duc et ont, le père de l’enfant et les témoins signé avec nous le présent acte de naissance après lecture.
[Signatures] Fauléau / Naudin / Robin / A. Vollot
[Mention marginale] Marié à Troyes, le 13 mai 1913 avec Annette Charlotte Sot. Dont mention [signature illisible]

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Fiche matricule

Nom : Fauléau
Prénoms : Claude François
Surnoms : _
Numéro matricule du recrutement : 1063.
Classe de mobilisation : 1909.


État civil :

Né le 8 août 1899, à Arnay-le-Duc, canton d‘Arnay-le-Duc, département de la Côte-d’Or, résidant à Beaune, canton du dit, département de de la Côte-d’Or, profession de coiffeur, fils de Claude François et de Rignault Catherine domiciliés à Arnay-le-Duc, canton d‘Arnay-le-Duc, département de la Cöte-d’Or.

Marié à _.


Signalement :

Cheveux et, sourcils châtains,
yeux gris, front ordinaire,
nez long, bouche moyenne,
menton rond, visage ovale,
Taille : 1 m. 67 cent. Taille rectifiée : 1 m. _ cent.
Marques particulières : _
Degré d’instruction : générale : 3.


Décision du conseil de révision.

.

Classé dans la 1e partie de la liste en 1910.
Classé dans la _e partie de la liste en 19_


Corps d’affectation / Numéros au contrôle spécial – matricule ou au répertoire

Dans l’armée active : 21e régiment d’Infanterie – 4007
Disponibilité et réserve de l’armée active : régiment d’infanterie Langres – 240 / 05290
– régiment d’Infanterie Lons-le-Saunier – 20 / 0400
– 15e bataillon chasseurs à pied à Montbéliard – 7 / 01266

Armée territoriale et sa réserve : _


Détail des services et mutations diverses.

Inscrit sous le n°57 de la liste dans le canton d’Arnay-le-Duc.
Incorporé au 21e régiment d’Infanterie à compter du 5 octobre 1910.
Arrivé au corps et soldat de 2e classe le 6 octobre 1910.
Soldat de 1e classe le 17 décembre 1912. Envoyé dans la disponibilité le 25 septembre 1912. Envoyé dans la disponibilité en attendant son passage dans la réserve de l’armée active. Certificat de bonne conduite “accordé”. Affecté au régiment d’infanterie à Langres. Passé au 44e régiment d’infanterie (groupe cycliste de Montbéliard) le 1er octobre 1913.
Passé au 15e bataillon de chasseurs à pied par décision du général commandant la 7e Région le 17 septembre 1914. Rappelé à l’activité, mobilisation générale du 2 août 1914, arrivé au corps le 2 août 1914. Passé au 15e bataillon de chasseurs à pied par décision du général commandant la 7e Région le 17 septembre 1914. Décédé (suicide). Décès constaté le 22 juin 1916 à Marcelcave (Somme) d’après le procès verbal de la Prévôté à la F. P. du 2e groupe du 35e corps d’armée (secteur prévôté 26) du 22 juin 1916
.


Campagnes

Contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 22 juin 1916.

Blessures, citations, décorations, etc.

_.


Localités successives habitées
par suite de changements de domicile ou de résidence

Dates / Communes / Subdivisions de région / D : Domicile, R : Résidence

– 26 novembre 1912 / Troyes, 60 rue Général Saussier / Troyes / R.
– 22 – 4 – 13 / rue Viardin 27 / à Troyes / R.
.


Périodes d’exercices

Réserve : 1re dans le_, du _ au _.
– 2e dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Armée territoriale : 1re dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Spéciales aux hommes du service de garde des voies de communication :_.


Époque à laquelle l’homme doit passer dans :

La réserve de l’armée active :
L’armée territoriale :
La réserve de l’armée territoriale :
Date de la libération du service militaire :

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Journal des marches et opérations du 55e bataillon de chasseurs à pied

Le 55e bataillon de chasseurs à pied est le bataillon de réserve du 15e bataillon. Il est constitué à Montbéliard (Doubs) à la mobilisation. Nous ne savons pas quand le chasseur Fauléau est affecté à cette unité, ni à quelle compagnie il appartient.

De janvier à avril 1916, le 55e joue un rôle clé dans la défense du plateau de Nouvron dans l’Aisne. Il est rudement éprouvé, tant par les obus et attaques des Allemands que par le froid. Il est ensuite amené dans la Somme où il participe notamment aux préparatifs d’une grande offensive qui doit débuter le 1 juillet 1916 : la bataille de la Somme. Le 18 juin, les chasseurs se dirigent sur Hangard où ils doivent cantonner et être instruits. Le petit village de Marcelcave est situé à 4 kilomètres au nord-est d’Hangard.

Entrée du 22 juin

Du 18 au 22 juin
Cantonnement à Hangard ; reprise de l’instruction.

Le J.M.O. se limite à ces informations. Il n’y a aucune trace du décès de Claude Fauléau, ou de son possible manquement à l’appel dans les jours qui précèdent sa mort.

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Décès

N°25

Fauléau
Claude François
22 juin

Le vingt deux juin mil neuf cent seize dix huit neuf heures, nous avons constaté le décès de Claude François Fauléau né à Arnay-le-Duc Côte-d’Or le huit août mil huit cent quatre vingt neuf, domicilié à Beaune Côte-d’Or actuellement soldat# au cinquante cinquième régiment de chasseurs à pied, numéro matricule au recrutement d’Auxonne 1063, fils de Claude François Fauléau et de Catherine Rignault son épouse domiciliés à Arnay-le-Duc, décédé au lieu dit le Bois Caucelette. Dressé le vingt quatre juin mil neuf cent seize quinze heures sur la déclaration de Puisset Marcel trente six ans, lieutenant à la Prévôté du secteur vingt six et de Maisonvieille Jean quarante et un ans, maréchal des logis chef à la prévôté du secteur vingt six qui lecture faite ont signé avec nous Charles Harouel, maire de Marcelcave.
Approuvé un mot rayé nul et le renvoi # deuxième classe.
[Signatures] Puisset / Harouel / Maisonvieille


[L’acte de décès nous a été transmis directement par la municipalité de Marcelcave que nous remercions]

Données additionnelles

Claude François Fauléau est le fils de Claude François, ouvrier en limes, et de Catherine Rignault. Il est inscrit sur le monument aux morts d’Arnay-le-Duc sous le nom d’Antonin Fauléau, surnom qui lui permet de se distinguer de son père. Antonin devient coiffeur. Le recensement de 1906 indique qu’il travaille au salon Henry. Il vit avec ses parents rue Voyen(1).

En octobre 1910, Antonin Fauléau part faire son service militaire avec le 21e régiment d’infanterie. De retour dans la vie civile, il est affecté au groupe cycliste de Montbéliard du 44e régiment d’infanterie, et part s’installer à Troyes dans l’Aube, où il habite au 27 rue Viardin. Le 13 mai 1913, il prend pour épouse mademoiselle Annette Charlotte Sot, originaire de Fays-la-Chapelle (Aube), fille de feu Auguste Ulysse et Marie Albertine, née Henry.

Le suicide d’Antonin Fauléau n’est aucunement mentionné dans le journal régimentaire, ce qui n’est pas toujours le cas. Si le suicide est encore aujourd’hui un sujet tabou, il l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit de soldats puisqu’il remet en question la juste nature de la guerre. Dans l’esprit de certains observateurs contemporains du premier conflit mondial, la guerre est censée être une grande entreprise purificatrice qui doit revitaliser la race française tout en l’expurgeant de certains de ses éléments les plus faibles. Les lecteurs de la Gazette médicale du 21 avril 1915 apprennent que la guerre est bonne pour la santé, l’air des tranchées un heureux remède, et les soldats qui « étaient des individus malingres, souffreteux ou neurasthéniques […] ont acquis, depuis qu’ils sont dans les tranchées, une résistance physique merveilleuse, [ils] sont destinés à revenir chez eux pourvus de la plus admirable santé(3)». La scientificité de la Gazette est, ici, usurpée par une publicité déguisée, mais ces propos reflètent un état d’esprit bien réel présent dans certaines franges de la société. Si la guerre est bonne pour le physique et la santé du valeureux guerrier français qui défend avec ardeur et joie la patrie contre le Boche, comment imaginer qu’il puisse se mutiler volontairement ou s’ôter la vie ? À cette époque où la psychiatrie n’en est qu’à ses balbutiements, la première explication qui vient à l’esprit de beaucoup de personnes est que ce soldat est un lâche. Pourtant, il est difficile d’imaginer que cette pensée ne traverse pas l’esprit de tous les soldats à un moment ou à un autre de leur expérience de guerre. Penser le suicide pendant la guerre, c’est essayer de pénétrer au plus profond de la psychologie humaine. Comment imaginer le traumatisme que subissent ceux qui traversent une guerre, surtout aussi violente que ce conflit ?

Des statistiques existent mais elles ne peuvent refléter la réalité d’un acte si personnel et différent d’un cas à un autre. 3 828 suicides ont été repérés par les historiens, mais ils sont beaucoup plus nombreux. Ils sont deux à Arnay-le-Duc sur 100 soldats commémorés sur les monuments (les soldats Fauléau et Chauffard). Les cas de suicides concernent souvent des hommes des classes les plus anciennes et prennent des formes variées(4). Certains, pris de folie ou de désespoir, se ruent vers les tranchées allemandes, peut-être en essayant de tuer quelques ennemis mais surtout dans l’espoir d’être abattu. Léon Vuillermoz, un poilu franc-comtois, raconte qu’un de ses camarades « s’en alla jusqu’au tranchées allemandes, déchargea son fusil et le magasin sur les sentinelles ennemies, puis s’en revint tranquillement sans se presser ; il s’assit sur le bord de notre tranchée, mais au moment de sauter dedans il reçut une balle à la tête et fut tué sur le coup, il avait fait cet exploit sous l’emprise de la folie(5)». D’autres se tirent une balle dans la tête, comme ce jour où l’infirmier Jean Pottecher voit ce « type de la 7e compagnie [qu’il] ne connait pas qui s’est suicidé hier d’un coup de révolver(6)». D’autres se pendent, comme le caporal Félix Chauffard. La guerre pousse les hommes à puiser au plus profond d’eux-mêmes pour résister psychologiquement. Un soldat peut être brisé le premier jour, un autre peut passer toute la guerre au front, recréer un semblant de quotidien acceptable, vivre des millions d’horreurs, et être brisé psychologiquement le dernier jour de la guerre après qu’un obus de trop tombe trop près, après qu’un énième copain soit fauché, après avoir tué un ennemi au corps à corps en voyant le blanc de ses yeux. Dès le jour de la mobilisation, des officiers à Tulle et à Nevers se suicident, peut-être par peur d’aller au front, peut-être par peur de faillir. Les raisons sont multiples et uniques à chaque soldat. Louis Barthas, auteur d’un célèbre journal, évoque l’idée de tuer un de ses officiers qu’il déteste avant de mettre fin à ses jours. La mort est tellement présente dans le quotidien des soldats qu’ils ne peuvent s’empêcher d’y penser, à celle des autres mais également à la leur. Beaucoup voudraient pouvoir choisir leur mort, la plus rapide possible. Le médecin Lucien Laby du 294e régiment d’infanterie raconte qu’un « type de renfort du Midi se pend, de peur d’être tué ». Cet environnement a des conséquences désastreuses pour la santé mentale des hommes. Dans une lettre écrite avant sa mort en 1915, Henri Despeyrières évoque ce camarade « qui regardait les fleurs écloses sur le parapet : petits coquelicots fleuris … coquelicots fleuris ! disait-il », et cet autre soldat « à demi enseveli rire aux éclats en appelant papa … maman. […] En y pensant je deviens un peu fou moi aussi », constatait-il(7).
Les réactions face au suicide de soldats varient. La principale crainte du commandement est que le suicide devienne épidémique et que des soldats prennent exemple sur leur camarade qui n’en pouvait plus. Les signes d’une volonté de commettre un suicide passent souvent inaperçus, ou sont vus avec la suspicion que le soldat essaie de se débiner. Sur le terrain, certains ont une réaction très violente envers les soldats qui essaient de se suicider. Léon Vuillermoz évoque également cet homme du « 305e qui, un jour, monta sur la tranchée, malgré ses chefs et ses camarades ; un sergent l’abattit comme déserteur(8)». D’autres officiers montrent plus de clémence, au point de presque effacer le suicide d’un homme. Ainsi, ce fantassin qui se jette seul dans le no man’s land afin de se faire descendre par l’ennemi est déclaré tué à l’ennemi. Nulle trace du suicide, il est mort héroïquement pour la patrie, sa famille peut toucher une pension. Car c’est là un autre aspect terrible du suicide d’un soldat : sa famille, outre avoir perdu un être cher, doit parfois vivre avec le regard sévère des autres, une stigmatisation sociale, et elle doit vivre sans pension. Le suicidé n’est pas mort pour la France. Pourtant, c’est bien la guerre qui pousse à cet ultime acte de désespoir où le soldat choisit sa mort.

La famille de Claude Fauléau a tenu à rendre hommage à ce fils tué par la guerre : son nom est inscrit sur le monument aux morts. Nous n’avons pas trouvé de sépulture, il est possible que sa dépouille a été rapatriée à Arnay-le-Duc, ou à Troyes. Certains soldats suicidés n’ont pas la chance d’avoir leur nom inscrit sur un monument aux morts. Il arrive qu’ils soient ensevelis dans un simple trou, recouverts de terre et marqués d’une croix en bois anonyme pour être oubliés de la postérité, ultime punition pour ce qui est perçu comme un des pires actes de lâcheté.

Sur le suicide, nous recommendons l’article de Stéphanie Trouillard, disponible ici.

Carte

Sources

  • A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1885 – 1892 (FRADO21EC 26/035), Fauleau Claude François, n°80, 1889, vue 291/585.
  • A.D. de la Côte-d’Or, recrutement militaire (1867-1940), classe 1909, bureau d’Auxonne (R 2464), vue 99/519.
  • S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, 55e bataillon de chasseurs à pied, 1 janvier 1915 – 31 décembre 1916 (26 N 829/12), vue 29/69.
  • (1) A.D. de la Côte-d’Or, population, dénombrement de la population, Arnay-le-Duc 1906 (10 M 26-12), vue 11/47.
  • (2) A.D. de l’Aube, état civil numérisé, Troyes mariages 1913 (387 E-390) Fauleau Claude François – Sot Annette Charlotte, n°217, 1913, vue 134/336.
  • (3) Darmon, Pierre (2022), « La Grande Guerre des soldats tuberculeux », in Annales de démographie historique, n°103, pp. 35-50 [En ligne] (consulté le 2 juin 2022).
  • (4) Cazals, Rémy, Loez, André (2021), 14-18. Vivre et mourir dans les tranchées, Paris, Tallandier, p. 243.
  • (5) Idem.
  • (6) (9) Trouillard, Stéphanie (15 août 2018), « Les suicidés, ces soldats oubliés de la Grande Guerre », in France24 [En ligne].
  • (7) Cazals, Rémy, Loez, André (2021), p. 242.
  • (8) Idem, p. 241.