Journal des marches et opérations du 76e régiment d’infanterie – 8 et 9 juin 1918

8 juin
Continuation de nos tirs de Contre-Préparation d’Offensive. L’ennemi réagit peu. Une patrouille ennemie qui tente de s’approcher de nos lignes vers 0h30 dans la région de 30.22 est dispersée par nos feux.
Dans le courant de la journée, il est procédé à un nouveau remaniement du dispositif d’occupation du camp retranché Roye : la 1ère compagnie est seule maintenue en ligne ; les 2ème et 3ème compagnies en soutien à droite et à gauche du Matz.
le dispositif général du Régiment, le 8 au soir, est le suivant :
Poste de commandement du Colonel : Bois de Gury.
1er Bataillon : camp retranché Roye (poste de commandement de Bataillon à la Berlière) ;
3ème Bataillon : camp retranché Larroque, à droite du précédent (poste de commandement de Bataillon Bois de Gui) ;
2e Bataillon, en soutien dans le Bois de Gury.

I. Situation du Régiment le 8 juin à 23h45, heure à laquelle commence le bombardement ennemi.

A. Bataillon de droite. Le 3e Bataillon (commandant Blanc tient le [camp retranché ?] ferme Larroque en liaison à droite avec le 11e cuirassier à gauche avec le 1er bataillon du 76e régiment d’infanterie. [camp retranché ?] des Granges.
1 compagnie (11e) tenant avec 3 sections la tranchée de soutien sur tout le front du Bataillon et détachant des P.P. dans la tranchée de 1ère ligne. Poste de commandement Bois du Gui.
2 compagnies tenant la ligne des réduits (tranchées du Buffle et du Broche) : 9ème compagnie à droite/10ème compagnie à gauche.
Chaque compagnie ayant : 2 sections tranchée du Buffle. 1 section tranchée du Brochet. 1 section disponible. Ces 2 sections à la disposition du Chef de Bataillon.
Mitrailleuses : 18 pièces (6 Saint-Etienne, 12 Hotchkiss)
Poste de commandement bataillon Point 2806 (Route Gury – Roye).

B. Bataillon de gauche. Le 1er Bataillon (commandant Conte) tient le camp retranché de Roye en liaison à droite avec le 3e Bataillon à gauche avec le 113e régiment d’infanterie (Bataillon Marchall).
1 compagnie (1èreà tenant avec 3 sections la tranchée de soutien sur tout le front du Bataillon et détachant des P.P. dans la tranchée de 1ère ligne. Poste de commandant Les Granges.
2 compagnies tenant la ligne des réduits :3e compagnie à l’Est du Matz. Poste de commandant La Berlière. 2e compagnie à l’Ouest du Matz. Poste de commandant Le Manceau.
Mitrailleuses : 18 pièces (6 Saint-Etienne, 12 Hotchkiss).
Poste de commandant Bataillon : chemin creux de la Berlière, près de l’église.
Les mouvements prévus pour adopter ce dispositif avaient été commencés dans la première partie de la nuit. Au moment du déclenchement du bombardement la relève venait à peine d’être terminée pour le bataillon de droite (1 section de la 9e compagnie n’était pas encore relevée).
Pour le bataillon de gauche, seule la compagnie de tête était placée : le mouvement était en cours d’exécution pour les 2 autres compagnies.

C. Bataillon de la ligne principale de résistance.
Le 2ème bataillon (capitaine Roiffé) tient avec 2 compagnies les tranchées de Bolivar et de Bordeaux et de Baugé.
5e compagnie à droite. 6e à gauche.
1 compagnie réserve : Boyau du Bouc.
Poste de commandant : chemin creux de Gury.
La majeure partie de la 7ème, 1 section de la 5e et 1 section de la 6e se trouvant en corvée de transport de torpilles (coup de main du 131e), au moment du déclenchement du bombardement (23h45).

II. Opérations du Bataillon de Droite

A 23h45, préparation d’attaque par obus de tous calibres, obus toxiques et obus fumigènes qui empêchent de voir à plus de 10m.9 juin
Vers 1 heure le 9 juin le commandant Blanc n’ayant pas de renseignements, envoie deux agents de liaison vers la compagnie de première ligne. Ces agents de liaison ne peuvent y parvenir (1 obus à gaz tombe tout près d’eux et les intoxique). Deux nouveaux agents de liaison sont renvoyés aussitôt. A 4h30, l’ordre est donné à la 10e compagnie de rechercher par une patrouille la liaison avec la 11e compagnie.
A 4.50 la 10e compagnie envoie le renseignement « l’ennemi est à la tranchée du Buffle ».
Le Commandant Blanc envoie aussitôt la section disponible de la 10e compagnie pour renforcer la tranchée du Brochet, avec ordre au lieutenant Desserin de tenir sur la tranchée du Brochet. La fusillade est très vive.
Vers 5H30 arrive au poste de commandant du commandant Blanc, le capitaine Garabon dinnant le renseignement que l’ennemi avançant par la droite a dépassé le Bois de Gui. Des premiers éléments ont fourni des feux nourris, mais ont été submergés par le nombre.
A droite du côté de la 9ème compagnie la liaison avec les cuirassiers ayant existé jusqu’à 4 heures. Une patrouille envoyée par le capitaine Thomas à 4h30 et commandée par le caporal Audebert rapporte le renseignement que les cuirassiers se replient.
Vers 5’30 l’adjudant-chef Sarrazy après avoir résisté avec sa section se voit déborder. Le capitaine Thomas déploie alors ses deux sections de réserve face à l’Est dans la clairière sur la ligne 3307-3303. L’ennemi accentuant son avance vers Gury, le capitaine Thomas [se ?] reporte par échelon sur la route Roye-Gury qu’il défend face à l’Est. Le capitaine Thomas arrive au poste de commandement du commandant Blanc vers 5.45.
A cette heure la situation est la suivante :
L’ennemi avance vers Gury.
Le commandant Blanc n’a pas de nouvelles de la 10e compagnie et n’a plus de liaison ni à droite avec les cuirassiers, ni à gauche avec le 1er bataillon.
Il se replie avec les fractions qu’il a avec lui (9ème et 11e compagnie) à travers le bois de Ricquebourg sur la tranchée Bolivar et il arrive vers 6h15.
Là, le commandant Blanc trouve une section de la 7ème compagnie (lieutenant Kemlin). Arrêt sur la tranchée Bolivar. Des feux sont exécutés. Le [illisible] est intense. L’ennemi balaie le terrain par des mitrailleuses.
Sous la pression de l’ennemi, aucune liaison n’étant trouvée à droite et à gauche, nouveau repli sur la tranchée de Bordeaux, sous la protection du lieutenant Kemlin.
Le commandant Blanc reforme ce qui lui reste trachée Bauge et organise la défense avec la 9ème compagnie, quelques hommes de la 10e compagnie, et la 6ème compagnie (lieutenant Gouriaud) qui occupait le boyau du Bouc. Il a en outre avec les 3 pièces de mitrailleuses. Il est en liaison à gauche avec le capitaine Agostini (lui-même en liaison avec le 131e) et fait rechercher la liaison à droite.
Le lieutenant Dubois signale que le colonel Subsol a été pris dans son poste de commandant dans les conditions suivantes :
Vers 7h15 le lieutenant Houdart commandant une section de la 2e compagnie de mitrailleuses chargée de la défense du poste de commandement donna au colonel Subsol le renseignement qu’il était toujours en position et que l’ennemi (une compagnie environ) était arrêté devant des fils de fer à l’entrée nord de Gury.
5’ Après le lieutenant Houdart était fait prisonnier et l’ennemi se présentait, venant de Gury au poste de commandement où le colonel Subsol et ses officiers rassurés par le renseignement donné par le lieutenant Houdart restaient abrités.
A chaque entrée du poste de commandement se trouvait un agent de liaison chargé d’alerter, mais celui-ci assailli à coups de grenades n’eut vraisemblablement pas le temps de prévenir.
Le lieutenant Dubois était à ce moment en dehors de l’abri à côté de [illisible] poste de commandement où se trouvait le capitaine Roiffé ; voyant l’ennemi monter de Gury dans la direction du chemin creux, il s’élança pour prévenir le colonel, mais il se trouva nez à nez avec deux boches qui le mirent en joue, il n’eut que le temps de leur tirer un coup de révolver et de se sauver.
Vers 7.45 un officier de de l’Infanterie Divisionnaire veut voir le commandant Blanc, trachée de Baugé, celui-ci lui expose la situation.
A 8h10, la patrouille de liaison envoyée vers la droite rapporte le renseignement que Gury est aux mains de l’ennemi.
La section de gauche rend compte que le 131e exposé lui-même sur son flanc gauche se replie.
Vers 8h30, n’ayant plus de liaison ni à droite ni à gauche, et se sentant très en pointe, les éléments réunis par le commandant Blanc se replient vers les carrières où est signalé le capitaine René du 131e. Arrivé aux carrières il ne trouve personne. Le commandant Blanc va se présenter à l’Infanterie Divisionnaire pour avoir des ordres. Le colonel Beurton lui prescrit de se mettre à la disposition du commandant Conte, qu’il fait rechercher en vain.
Avec les éléments qu’il a réuni : 9e compagnie, quelques hommes de 11e compagnie, 6e compagnie, il s’établit au chemin creux à l’Est de la cote 106, en liaison à gauche avec le 3e bataillon du 131. A droite le capitaine Thomas trouve la liaison avec le 173e régiment d’infanterie vers 10h20.
Vers 13h il reçoit le renseignement que la liaison à droite n’existe plus. Le bataillon Conte s’est replié sur la lisière nord-est du Bois de Bourmont.

Vers 13h15 n’ayant plus personne à sa droite, le commandant Blanc reporte des éléments lisière nord-est de Bourmont où il espère établir une nouvelle ligne avec l’appui du Commandant Conte. Le capitaine Thomas s’établit lisière nord-est du Bois de Bourmont en échelon vers la droite, des fractions de la 6e compagnie tiennent le chemin Bourmont-Ressons.
A lia lisière sud de Bourmont, le commandant Blanc entre en relation un chef de bataillon du 173e qui va prendre position vers remise de l’Hommet.
Mais cette fois c’est la gauche qui replie, l’ennemi balaie tout le terrain par ses mitrailleuses qui dominent de la gauche. Le commandant Conte se reporte vers remise de l’Hommet. Le commandant Blanc se met en liaison avec un capitaine commandant un bataillon du 173e établi à 200 mètres sud de Bourmont et place ses unités à la droite de celui-ci, au Nord de remise Gadeux et à l’Est de la route Bourmont Margny ; mais il n’a pas de liaison à droite. Sur cette position la 9ème compagnie subit un feu violent de mitrailleuses venant de la gauche.
Vers 15h30 devant le repli de plus en plus accentué de la gauche, le commandant Blanc reporte sa ligne à 200m environ nord de la route Ressons-Margny et y reste jusque vers 17 heures.
Il rencontre le commandant Conte blessé, sur la route Ressons-Margny.

III. Opérations du Bataillon de Gauche

Comme il a été dit plus haut à 23h45 le mouvement de relève du bataillon Conte est en cours.
Le 1er renseignement reçu par le commandant Conte vers 5h vient du Lieutenant Béchetoille commandant la compagnie de tête – il indique que l’ennemi est aux Granges et que le Lieutenant Béchetoille se repli par échelons sur la tranchée du Chien, en retardant l’ennemi par ses feux.
A partir de ce moment le Commandant Conte en reçoit plus de renseignements de la 1ère compagnie. Il n’a pas de nouvelles de sa compagnie de gauche (2e).
Le commandant Conte prend relation par téléphone avec l’Infanterie Divisionnaire.
Vers 6h20 se sentant menacé de la gauche, il se repli avec sa liaison sur Ricquebourg et va prendre des instructions auprès de l’Infanterie Divisionnaire.
Avec les éléments qu’il a pu rassembler (1 pièce de mitrailleuses, 15 à 20 hommes du 1er Bataillon – Lieutenant Pinault – quelques hommes de la Compagnie Hors-Rang) il va prendre position sur la route à Ricquebourg-Lamotte à hauteur du Bois Bourquemont. Il trouve des élements de la compagnie Scherrer (5e), le Lieutenant Desserin (10e) et le Lieutenant Kemlin (11e), avec lesquels il organise la défense [illisible] indiquée ci-dessus avec crochet défensif vers l’Est.
Il reste en position jusque vers midi.
A cette heure-là, l’infiltration ennemie s’accentue au Sud de Mareuil, en outre des coups de feu viennent de la gauche (lisière des bois à 500m Nord-Ouest du Calvaire de Bourmont.
Le Commandant Conte reporte ses éléments à la lisière nord du bois de Bourmont. Il y reste jusque vers 13h30 puis n’ayant plus de liaison à droite se replie sur remise de l’Hommet et à l’Est de ce point sous la protection du Commandant Blanc établit vers [illisible x2].
Vers 15h30 nouveau repli de la gauche, le commandant Conte reporte ses éléments sur la route Ressons-Margny. Il est blessé à 200m Nord environ de cette route.
Le capitaine Scherrer et le lieutenant Kemlin se joignent au commandant Blanc. Le lieutenant Desserin (10e compagnie) mélangé à des éléments du 173e reste avec eux et se repliera plus tard par le château [illisible] de Marquéglise il rejoint le commandant Blanc à la nuit à Coupe Gueule.

IV. Opérations du Bataillon de la ligne principale de résistance

Le Bataillon de soutien état en majeur partie en corvée au moment du bombardement (commencement).
L’avance ennemie se produisant principalement par la droite, la 5e compagnie eut à soutenir le choc.
L’aspirant Godard se précipite qui occupe la tranchée de Bolivar est violemment attaqué vers 6h30 sur la route Gury-Canny. Entouré de toutes parts il doit se replier après avoir résisté une demi-heure.
L’aspirant Godard se précipite vers le poste de commandement du Colonel pour mettre celui-ci au courant, mais l’ennemi est déjà au poste de commandement.
Le Lieutenant Labetoulle qui occupait les tranchées de Bordeaux et de Bunay est tourné et fait prisonnier.
Dans ces conditions le capitaine Scherrer se replie à travers le bois de Ricquebourg jusqu’au moment où il se joint au commandant Conte à la sortie de ce bois.
A gauche, la 7e compagnie en liaison avec le 131e à sa gauche résiste énergiquement jusque vers 8h30 à laquelle le mouvement ennemie sur Ricquebourg s’accentue. La gauche de la 7e compagnie n’a pas le temps de se replier. Le capitaine Agostini est fait prisonnier avec des fractions de sa compagnie.
Quant à la 6e compagnie qui était de réserve au boyau du Bouc, elle n’a pas été engagé et s’est trouvée à partir de 7 heures sous le ordres du commandant Blanc.
Elle avait été néanmoins très éprouvée par le bombardement et quelques hommes envoyés en corvée n’étaient pas rentrés.

V. Opérations du Régiment à partir du 9 juin 17 heures au moment où le commandant Conte est blessé

A partir de ce moment le commandant Blanc restait seul officier supérieur au 76e, va chercher à regrouper tous les éléments de ce Régiment.
Il va demander des instructions au colonel Beurton qui lui prescrit de protéger le repli des éléments du 131e, pendant leur traversée du Matz et de se replier ensuite à son tour à la cote 60.
Le commandant Blanc arrive à la cote 60 vers 17.30. Il a avec lui les mêmes éléments que précedemment (9e compagnie, 6e compagnie, 5e compagnie capitaine Scherrer).
La mission donnée par le colonel Beurton est de soutenir les 2 bataillons du 131 qui sont vers l’usine de Marquéglise et de couvrir la gauche où le danger est le plus prenant.

[Présence d’un historique tapuscrit des évènements rédigés par le commandant Conte]

Le commandant Blanc dispose ses éléments à l’Est et à l’Ouest de la voie ferrée sur la croupe au Nord-Ouest de la cte 60 en conservant une fraction disponible le long des talus Est de la voie ferrée avec éléments de surveillance vers l’Ouest.
Vers 19 heures il reçoit l’ordre de rejoindre à Coupe Gueule le colonel Beurton après avoir protégé la retraite des éléments qui sont devant lui.
Vers 20 heures tout le 131e s’étant reporté vers Coupe Gueule il regagne le hameau conformément à l’ordre reçu.
Un officier de tank établi avec ses appareils au petit bois du passage à niveau était entré quelques minutes avant en relations avec le commandant Blanc s’offrant pour protéger sa retraite. Il laisse avec lui une fraction de protection (9e compagnie) qui le rejoint un peu plus tard.
Le 9 au soir le commandant Blanc dispose d’éléments des 9e, 6e, 10e compagnies, 1er bataillon (lieutenant Pinault) du capitaine Scherrer (5e compagnie).
Il établit ces éléments sur deux lignes entre voie ferrée et Coupe-Gueule, à hauteur de la lisière Nord de Coupe Gueule, en liaison avec le 173e à droite, le 129e à gauche.

[Lien vers le document original] Un historique tapuscrit du commandant Conte est également disponible dans le journal, à la vue 24.

S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, 76e régiment d’infanterie,1 janvier – 6 juillet 1918 (26 N 662/4), vues 20-30/39.