GRUSSE-DAGNEAUX Louis Albert

GRUSSE-DAGNEAUX Louis Albert

¤ 26 mars 1890 à Paris (16e arrondissement)
† 12 mars 1918 au mont Sans-Nom, Baconnes (Marne)
Caporal – 72e régiment d’infanterie – 27 ans
Tué à l’ennemi
Mort pour la France
Croix de guerre avec étoile d’argent

“Je rencontrais Albert alors que je transportais un blessé, il me souhaite bon courage tout en se rendant tranquillement à son poste. Hélas l’éclat meurtrier l’attendait”.
L’abbé Patinier

Acte de naissance

N°349

Grusse-Dagneaux
Louis Albert

L’an mil huit cent quatre vingt dix, le vingt sept mars à deux heures un quart du soir. Acte de naissance de Louis Albert Grusse-Dagneaux, du sexe masculin, né le vingt six mars courant à neuf heures du matin, au domicile de ses père et mère ; fils de Auguste Charles Grusse-Dagneaux, âgé de vingt-six ans, propriétaire, et de Aimée Amélie Rivière, âgée de trente deux ans, sans profession, mariés, domiciliés à Paris, boulevard Beauséjour, numéro trente neuf. Dressé par nous, Léon Isabey, adjoint au maire, officier de l’État Civil du seizième arrondissement de Paris, sur la présentation de l’enfant et la déclaration faite par le père. En présence de Alfred Auguste Grusse-Dagneaux, âgé de cinquante-trois ans, inspecteur d’assurances, demeurant à Paris, rue de l’Aqueduc, n°58, petit cousin de l’enfant, et de Louis Auguste Bourdier, âgé de quarante ans, rentier, demeurant à Paris boulevard Magenta, n°1501, témoins qui ont signé avec le déclarant et nous après lecture.
[Signatures] A. Grusse-Dagneaux / A. Grusse-Dagneaux / A. Bourdier / Léon Isabey

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Fiche matricule

Nom : Grusse-Dagneaux
Prénoms : Louis, Albert
Surnoms : _
Numéro matricule du recrutement : 650.
Classe de mobilisation : _.


État civil :

Né le 26 mars 1890, à Paris, canton du 16e arrondissement, département de la Seine, résidant à Enghien-les-Bains, canton de Montmorency, département de Seine-et-Oise*, profession d‘artiste peintre, fils d‘Auguste, Charles et de Rivière, Aimée, Amélie domiciliés à Enghien-les-Bains, 25 boulevard d’Enghien, canton de Montmorency, département de Seine-et-Oise*.

Marié le _.


Signalement :

Cheveux : Châtain
Yeux : marron foncé
Front : Inclinaison – hauteur – largeur : Moyen
Nez : Dos – Base – Hauteur – Saillie – Largeur : Moyen
Visage : _
Renseignements physionomiques complémentaires : teint coloré
Taille : 1 mètre 65 centimètres.
Taille rectifiée :
1 m. _ cent.
Marques particulières : _
Degré d’instruction générale : 3.


Décision du conseil de révision.

Classé dans la 1ère partie de la liste en 1911
Classé dans la _ partie de la liste en 19_


Corps d’affectation / Numéros au contrôle spécial – matricule ou au répertoire

Dans l’armée active : 37e Régiment d’Infanterie – ” / 4688
Disponibilité et réserve de l’armée active : Régiment d’Infanterie d’Amiens – 74 / 07368
– 72e régiment d’infanterie – 19 / 06223w/del>

Armée territoriale et sa réserve : _


Détail des services et mutations diverses.

Inscrit sous le n°77 de la liste du canton de Montmorency
Incorporé le 7 octobre 1911 au 37e Régiment d’Infanterie et immatriculé sous le n°4688. Soldat de 2e classe ledit jour.
Passé dans la réserve de l’armée active le _
Maintenu sous les drapeaux par application de l’article 33 de la loi du 21 mars 1905.
Passé dans la réserve de l’armée active le 8 novembre 1913. Rappelé à l’activité par suite de mobilisation générale (décret présidentiel du 1 août 1914). Arrivé le 3 août 1914 au 72e régiment d’Infanterie.
Parti aux armées (72e de campagne**) le 10 octobre 1915.
Nommé Caporal le 23 novembre 1915 (ordre n°56 du 72e en Campagne)
Evacué le 27 juin 1916 pour ”sygmas du genou droit” de Cumel (Argonne). Parti en renfort le 18 octobre 1916. ”Mort pour la France” le 12 mars 1918 au Mont Sans-Nom au Nord de Baconnes (Marne). Avis ministériel du 6 avril 1918 EPbis15551
.


Campagnes

Contre l’Allemagne du 3 août 1914 au 12 mars 1918.

Blessures, citations, décorations, etc.

Citation à l’ordre du 72e régiment d’infanterie n°932 du 24 juin 1916. Caporal très dévoué. Le 8 juin 1916 étant chef d’un poste avancé qui venait d’être bouleversé par l’explosion d’une mine ennemie et privé de communications avec la tranchée, a pris avec sang-froid toutes dispositions utiles pour repousser une incursion possible de la part de l’adversaire. Dans la suite a largement contribué aux travaux de réfection d’un poste effectués dans des conditions dangereuses. Croix de guerre. Etoile de bronze.


Localités successives habitées
par suite de changements de domicile ou de résidence

Dates / Communes / Subdivisions de région / D : Domicile, R : Résidence

_.


Périodes d’exercices

Réserve : 1re dans le_, du _ au _.
– 2e dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Armée territoriale : 1re dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Spéciales aux hommes du service de garde des voies de communication :_.


Époque à laquelle l’homme doit passer dans :

La réserve de l’armée active :_
L’armée territoriale :_
La réserve de l’armée territoriale : _
Date de la libération du service militaire :_

* Ancien département. Enghien-les-Bains est dans l’actuel département du Val-d’Oise.
** Certainement une erreur, campagne doit être compris comme infanterie.

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Journal des marches et opérations du 72e régiment d’infanterie

Nous ne savons pas à quelle compagnie Louis Grusse-Dagneaux appartient. Du 3 août 1914 au 10 octobre 1915, il n’est pas au front mais au dépôt (indiqué par la mention « passé aux armées » sur sa fiche matricule). Il arrive en renfort au régiment le 23 novembre avec une centaine d’hommes en provenance du dépôt régimentaire de Péronne.

Après être resté six mois dans le secteur du Chemin des Dames, le 72e régiment d’infanterie part pour la Champagne le 16 décembre 1917. Pendant un mois, il reste en arrière où il effectue des travaux de consolidations des positions arrières et d’organisation. Un mois plus tard, dans le froid du mois de janvier 1918, le régiment s’installe sur le front des Monts champenois, dans la Marne à l’Est de Reims. Au Sud de Pontfaverger-Moronvilliers se trouve le massif forestier de Moronvilliers. Le massif est composé de cinq monts dont les plus hauts, les monts Téton et Haut, ne dépassent pas l’altitude de 260 mètres. Néanmoins, ces points d’altitudes sont d’une grande importance stratégique pour surveiller la campagne alentour. Preuve de leur importance, ils sont des lieux d’affrontements acharnés pendant toute la guerre. Quelque peu à l’Est du massif se dresse un sixième mont isolé des autres, qui culmine à 210 mètres : le Mont Sans-Nom.

Région du Mont sans Nom (Marne. Vue prise de la ‘’Marmite aux Sorcières’’, au fond, le ‘’Casque’’ et le ‘’Téton’’ (15-5-17). Légende d’origine [Images Défense](1).
Cliquer pour agrandir.

En avril 1917, grâce à la vaillance des zouaves et tirailleurs de la division marocaine, les Français deviennent maîtres du mont. Le secteur est peuplé de nombreux abris qui permettent aux hommes de se protéger, alors le génie a pour tâche pendant l’automne 1917 de creuser un immense tunnel reliant ces abris et galeries. A plus de 20 mètres sous terre, les hommes pouvaient se cacher mais surtout se déplacer et amener vivres et munitions. Fait de béton, le tunnel du Mont Sans-Nom est équipé d’un groupe électrogène, d’un bureau de commandement, d’un dépôt et magasin, d’un poste de secours, ainsi qu’un dortoir. Lors de l’offensive allemande de juillet 1918, le commandement prescrit de saboter et faire sauter le tunnel, il n’en reste donc plus rien. Les monts voisins ont eux aussi leur imposant tunnel. Pour en savoir plus sur le tunnel et accéder à des plans, suivre ce lien(2).

Lorsque le 72e régiment est dans le secteur, il subit très régulièrement des bombardements violents, y compris par projectiles à gaz. Il participe à plusieurs assauts. Le 12 mars, c’est l’armée allemande qui se prépare à effectuer un coup de main.

Entrées des 12 et 13 mars 1918 :

12 mars
Au lever du jour (vers 4H55) un bombardement ennemi très violent par obus spéciaux commence affectant particulièrement les batteries d’artillerie de la région du Bois Sacré, du Village Gascon, des Bois Parallèles et de [M.A. ?] et se poursuit jusque 9H. A la même heures, un tir lent et continue par obus de gros calibres et de minen* s’étend sur les premières lignes du sous-secteur jusqu’au Téton et devient extrêmement violent à partir de 13H30. Un tir de contre-préparation offensive** est demandé et provoque de la part de l’ennemi une réaction très vive sur nos batteries et les environs du poste de commandement Duriez.
Vers 16H l’intensité du bombardement se manifeste nettement entre les Boyaux de Rome, Bouillaud, les tranchées Hardin, Leroy, Morin et à droite sur le quartier Mosquée.
Vers 17H après un véritable tir d’écrasement et à la faveur d’un épais nuage blanc, les Allemands (2 bataillons environ) se portent à l’attaque, du quartier Mosquée vers le saillant 0.400 (Bois Noir) tenu par le 2e bataillon du 91e régiment d’infanterie. L’ennemi parvient à pénétrer dans les tranchées Vialis et des Tirailleurs malgré le tir de barrage déclenché à 17H2’ mais qui n’offre qu’une densité insuffisante. Les deux ilots de combat du 91e régiment d’infanterie (centre et gauche) ne peuvent résister, réduits à l’impuissance par le bombardement. Trouvant le vide devant lui, l’ennemi s’infiltre par la tranchée Ducluzaud dans le Quartier Zouaves tenu par le 2e bataillon du 72e régiment d’infanterie. Un violent combat s’engage. L’ennemi ne peut progresser que très légèrement. Bientôt des barrages sont établis dans la tranchée  Vialis et dans la tranchée des Tirailleurs et le tiennent fixé sur la ligne suivante : Boyau Faucher, tranchée Simonnin, tranchée Biéchel.
À ce moment 2 sections et demie du 91e régiment d’infanterie tente une contre-attaque qui prise sous un violent barrage échoue.
La situation demeure stationnaire.
Vers 20H30 une forte vague de gaz lacrymogène se rabat sur la Voie Romaine et ses abords.
Vers 21H30, le bataillon du 136e de [MA ?] est alerté, des ordres lui sont donnés pour contre-attaquer au lever du jour. Il se porte 1H30 dans la région du Bois Sacré.

13 mars
La liaison avec le 81e régiment d’infanterie rétablie à 1H15 dans la tranchée Hulot. La lutte reprend sans le concours de l’artillerie. De concert avec le 91e régiment d’infanterie de violents combats à la grande chassent peu à peu l’ennemi du terrain conquis. Enfin vers 6H30, la situation est complètement rétablie sans que le bataillon du 136e n’ait à intervenir. Nos pertes sont malheureusement assez lourdes et se décomptent ainsi :
Tués 3 – Blessés 13 – Intoxiqués 48 – Disparus 18.
(Au 91e régiment d’infanterie Tué 1 – Blessés 3 – Intoxiqués 5 – Disparus 40).

* mortier de tranchée allemand Schwerer Minenwerfer.
** le tir de contre-préparation offensive (CPO) vise les troupes ennemies avant le déclenchement de leur assaut afin d’affaiblir, voire annihiler, les soldats attaquants.

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Décès

N°91

Louis Albert
Grusse-Dagneaux

12 mars 1918

Transcription

L’an mil neuf cent dix huit, le vingt cinq du mois de mars, à neuf heures, trente minutes, étant à Mourmelon-le-Grand, Marne. Acte de décès de Louis Albert Grusse-Dagneaux, croix de guerre, caporal du 72e régiment d’Infanterie, immatriculé sous le n°07368, classe 1910, recrutement de Versailles n°650, né le vingt-six mars mil huit cent quatre vingt dix à Paris 16e arrondissement, département de la Seine, domicilié en dernier à Enghien-les-Bains, 25 boulevard d’Enghien ‘’Seine et Oise’’, décédé au combat du mont Sans-Nom, nord de Baconnes ‘’Marne’’ le douze du mois de mars, mil neuf cent dix huit à vingt-heures, sur le champ de bataille, Mort pour la France, fils de Auguste Charles et Rivière Aimée Amélie, domicilié à  Enghien-les-Bains, 25 boulevard d’Enghien, canton de Montmorency, département de Seine-et-Oise. Dressé par nous Auguste Louis Honoré Lefèvre, Chevalier de légion d’honneur, médaille militaire, lieutenant, officier chargé des détails du corps, officier de l’État Civil, sur la déclaration de Antoine Ladaud, vingt et un ans, soldat au corps, domicilié à Saint-Michel-de-Lapujarde ‘’Gironde’’ et de Paul Darcourt, vingt et un ans, soldat au corps, domicilié à Clerques ‘’Pas de Calais’’ témoins qui ont signé avec Nous Lefèvre après lecture. Le premier témoin signé Ladaud, le 2e témoin signé Darcourt. L’officier de l’État Civil. Signé Lefèvre. Pour expédition conforme. L’officier de l’État Civil signé Lefèvre. L’acte ci-dessus a été transcrit le onze août mil neuf cent dix huit, neuf heures du matin, par Nous, Louis Jean Marie Hélary, maire d’Enghien-les-Bains.
[Signature] Hélary

[La transcription de l’acte de décès nous a été envoyée directement par la mairie d’Enghien-les-Bains que nous remercions vivement.]

Données additionnelles

Les Grusse-Dagneaux sont une famille originaire du Calvados, divisés en plusieurs branches. La famille de Louis Albert est composée de négociants et propriétaires sur plusieurs générations, ils semblent descendre des sieurs d’Agneaux dont la généalogie remonte au XIVe siècle(3). Habitant à Paris tout en conservant des dépendances dans le Calvados, les parents de Louis Albert, Charles et Aimée, s’installent ensuite à Saint-Gratien, puis à Enghien-les-Bains, dans le Val-d’Oise. Charles Auguste est par ailleurs élu maire de Saint-Gratien de 1904 à 1919. Nous n’avons pas trouvé son étiquette, mais des articles de presse locale font état d’une opposition avec la gauche radicale. En prenant en compte son statut social et l’éducation de ses enfants dans des établissements catholiques, il est possible de supposer qu’il appartient à la droite républicaine, plus ou moins modérée et progressiste.

Le caporal Grusse-Dagneau

Avec ses deux frères Lucien et François, Louis étudie un temps au collège Stanislas dans le 6e arrondissement de Paris. La fratrie est citée dans l’annuaire de l’établissement en 1904(4). En 1905, Louis Grusse-Dagneaux, âgé de quinze ans, quitte la France pour partir sur l’île de Jersey, dans la Manche. Il entre au collège Notre-Dame-de-Bon-Secours, établissement également catholique, situé à St-Saûveur. Le collège est alors propriété des Jésuites, qui participent notamment à éduquer des futurs marins de la marine française. Les Jésuites sont partis après la fin de la guerre et l’établissement change plusieurs fois de mains. C’est aujourd’hui le Highlands College, dépendant de l’université anglaise de Plymouth. Louis Albert est cité dans le tableau d’honneur de ce collège, aux côtés des autres élèves et maîtres tués pendant la guerre.

Le livre d’or du collège Notre-Dame-de-Bon-Secours(5).
Cliquer pour agrandir.

Lorsque la guerre débute en août 1914, cela ne fait que 9 mois que Louis Grusse-Dagneaux est libéré du service militaire. Il ne part pas immédiatement pour le front à la mobilisation. Ce n’est que le 10 octobre 1915 qu’il y est envoyé. Entre-temps, il sert certainement au dépôt du régiment à Péronne, et il participe peut-être à des cours pour devenir sous-officier, ce qui explique qu’il est nommé caporal dès son arrivée sur le front. Le 24 juin 1916, il est cité à l’ordre du régiment et décoré de la croix de guerre :

Caporal très dévoué. Le 8 juin 1916 étant chef d’un poste avancé qui venait d’être bouleversé par l’explosion d’une mine ennemie et privé de communications avec la tranchée, a pris avec sang-froid toutes dispositions utiles pour repousser une incursion possible de la part de l’adversaire. Dans la suite a largement contribué aux travaux de réfection d’un poste effectués dans des conditions dangereuses. Croix de guerre. Etoile de bronze.

Il sert avec le célèbre historien Marc Bloch, alors sous-lieutenant au 72e régiment d’infanterie jusqu’en juillet 1916(6), qui pendant la seconde guerre mondiale est exécuté comme juif et pour faits de résistance.

La mort du caporal Grusse-Dagneaux est évoquée par l’abbé Nestor Narcisse Patinier, aumônier militaire et brancardier au 72e régiment d’infanterie réputé pour sa grande dévotion envers ses camarades blessés. Il écrit :

Le 11 mars 1918, sur l’ordre de ses chefs, il se rendait en première ligne pour occuper le poste de combat qui lui avait été assigné. Bien que l’ennemi ait marmité* nos tranchées pendant toute la journée, il s’y rendait en souriant et fier de donner le bon exemple à ses hommes. Je rencontrais Albert alors que je transportais un blessé, il me souhaite bon courage tout en se rendant tranquillement à son poste. Hélas l’éclat meurtrier l’attendait. À peine avait-il quitté les hommes de son escouade qu’un gros obus vint tomber à ses côtés. Il fut atteint grièvement à la tête et perdait son sang en abondance.

(7)

* marmitage : bombardement.

Le 8 juin 1922, le caporal Grusse-Dagneaux est cité au Journal officiel :

GRUSSE-DAGNEAUX (Albert-Louis), matricule 06223, caporal : caporal énergique et d’une bravoure réputée. Est mort glorieusement pour la France, le 12 mars 1918, au mont Sans-Nom, en faisant vaillamment son devoir. Croix de guerre avec étoile d’argent.

(8)

En retraçant la vie du caporal, aucun lien avec Arnay-le-Duc qui pourrait expliquer l’inscription de son nom sur la plaque paroissiale de l’église Saint Laurent ne semble apparaître. C’est en consultant les registres d’état civil arnétois pour l’année 1922 qu’un lien entre la famille Grusse-Dagneaux et la commune apparaît. Le 6 juin de cette année, le frère de Louis Albert, Félix Lucien Grusse-Dagneaux, habitant alors au domicile familial d’Enghien-les-Bains, épouse Marthe Juliette Dembruère, fille de l’ébéniste Antoine Dembruère et de Marie Gaulier(9). L’acte de naissance d’un fils né de cette union à Beaune en 1928, Albert Antoine René indique que Félix et Marthe habitent au château des Barrigards à Ladoix-Serrigny (Côte-d’Or)(10). M. Grusse-Dagneaux devient adjoint au maire de cette commune jusqu’à ce qu’il soit forcé à la démission par le préfet en février 1944 pour désintérêt des devoirs de sa charge(11).

Quelques temps après la fin de la Première Guerre Mondiale, la dépouille de Louis Albert est rapatriée. La question des corps des soldats morts pendant la guerre est une véritable affaire d’État(12). Le rapport des populations aux défunts change profondément lors du conflit. L’État prend en charge la création de cimetières militaires et organise l’inhumation individuelle des soldats à partir de décembre 1915. D’autre part, la nature et la longueur de la guerre rendent difficile le recueillement pour de nombreuses familles qui, dans un premier temps, vivent souvent l’angoisse de l’absence d’information (le proche combattant est-il blessé, fait prisonnier, mort ?) puis, dans un second temps, ne peuvent se recueillir sur la tombe du défunt. Les soldats tués lors des premiers mois du conflit sont parfois rapatriés dans leur commune de résidence mais le gouvernement y met fin en novembre 1914. Des exceptions existent, notamment pour les soldats morts hors de la zone des armées. Ainsi, quelques morts dans des hôpitaux de l’arrière retrouvent leur terre natale, à condition que les familles puissent payer les frais de rapatriement.
Cela change le 31 juillet 1920. Le mécontentement et la pression des familles et de certains élus encouragent le gouvernement à changer sa politique. À partir du 31 juillet 1920, pour faire face aux pressions, accentuées par un certain nombre de violations de sépultures de combattants, les familles peuvent faire la demande de rapatriement des corps des morts pour la France alors inhumés dans les anciennes zones de l’armée. La France voit alors une circulation inédite de dépouilles, sur plusieurs années, transférées aux quatre coins du pays. Des entreprises privées sont mandatées pour répondre aux demandes. Les rapatriements se font progressivement par zones géographiques des anciens lieux de combats. En France, Allemagne et Belgique d’abord, puis en Italie et en Orient, des milliers de corps retrouvent leur famille.

Photographie de la tombe d’Albert Louis Grusse-Dagneaux.
Cliquer pour agrandir.

Ainsi, le caporal Grusse-Dagneaux est inhumé définitivement au cimetière communal d’Enghien-les-Bains. Son tombeau présente un relief, recensé dans l’inventaire général du patrimoine culturel d’Île-de-France. Un soldat à genou est représenté sur la stèle, implorant le Christ en croix. Un texte est gravé en dessous de la stèle mais est difficilement lisible : « Seigneur, j’ai espéré en vous, je ne serai pas… »(13).

Carte

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Sources

  • Archives de Paris, état civil numérisé, 16e arrondissement, naissances 1890 (V4E 7273), Grusse-Dagneaux Louis Albert, n°349, 1890, lien vers le registre.
  • A.D. des Yvelines, registres d’incorporation militaire, classe 1910, bureau de Versailles (1R/RM 431), lien vers la fiche.
  • S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, 72e régiment d’infanterie, 19 novembre 1917 – 12 juin 1918 (26 N 659/16), vues 401-41/84.
  •  (1) Pansier, Pierre Alphonse (15 mai 1917), « Région du Mont sans Nom (Marne. Vue prise de la ‘’Marmite aux Sorcières’’, au fond, le ‘’Casque’’ et le ‘’Téton’’ (15-5-17) [Légende d’origine] », in Images Défense (SPA 41 N 1387) [En ligne] (consulté le 19 juillet 2022).
  • (2) L., Éric (30 octobre 2007), « Le tunnel du Mont Sans-Nom » in Souterrains & Vestiges [En ligne] (consulté le 19 juillet 2022).
  • (3) Arbre généalogique de Charles Auguste Grusse-Dagneaux réalisé par Y. Sigaud, Filae [En ligne]. Accès restreint possible par inscription gratuite.
  • (4) (1 janvier 1904), Annuaire renfermant les documents relatifs à l’année …/Collège Stanislas, Paris, impr. Noizette, p. 396 [En ligne] Disponible sur Gallica.
  • (5) Nous n’avons trouvé que la version numérisée par Filae, dont l’accès est restreint et nécessite une inscription payante : (1922), Livre d’or des anciens maîtres et anciens élèves du collège Notre-Dame-de-Bon-Secours à Jersey, Evreux, p. 703 [En ligne] Disponible sur Filae.
  • (6) Cazals, Rémy (30 juillet 2012), « Bloch, Marc (1886-1944) » in CRID 14-18, témoignages de 1914-1918 [En ligne] (consulté le 19 juillet 2022).
  • (7) Soyer, Laurent (27 avril 2022), « Soldat Louis Albert Grusse-Dagneaux » in Histoire et mémoire : 72e et 272e régiment d’infanterie [En ligne] (consulté le 19 juillet 2022).
  • (8) (8 juin 1922), Journal officiel de la République française. Lois et décrets, p. 2393 [En ligne] Disponible sur Gallica.
  • (9) A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1921 – 1926 (FRAD021EC 26/042), Grusse-Dagneaux Félix Lucien – Dembruère Marthe Juliette, n°5, 1922, vues 79-80/304.
  • (10) A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Beaune 1928 (FRAD021EC 57/158), Grusse-Dagneaux Albert Antoine René, n°118, 1928, vues 34-35/203.
  • (11) (2 février 1944), Journal officiel de l’État français, p. 360 [En ligne] Disponible sur Gallica.
  • (12) Pau, Béatrix (2017), « Le ballet des morts » in Inflexions, 35(2), pp. 167‑174. / Pau, Béatrix (3 janvier 2018), « La restitution des corps », Le Souvenir Français [En ligne] (consulté le 19 juillet 2022).
  • (13) Cueille, Sophie, Ministère de la Culture (2001), « Tombeau de la famille Grusse, Dagneau et Rivière », in Plateforme ouverte du patrimoine [En ligne] (consulté le 19 juillet 2022).
  • Portraits : portrait issu du livre d’or de Notre-Dame-de-Bon-Secours. Portrait en pied issu de l’article susmentionné de Laurent Soyer.