CAMATTE Jean

Camatte Jean dit Jean-Charles

¤ 26 octobre 1889 à Igornay (Saône-et-Loire)
† entre le 4 et le 31 mars 1917 vers Moirey-Flabas-Crépion (Meuse)
Chasseur – 71e bataillon de chasseurs à pied – 27 ans
Tué à l’ennemi ou mort en camp
Mort pour la France

“Les chasseurs reçoivent pain et vin gelé. Impossibilité absolue de faire du feu […] Quelques pieds gelés”

Acte de naissance

N°44

Naissance de
Camatte Jean

L’an mil huit cent quatre-vingt-neuf et le vingt-six octobre à six heures du soir, par devant nous, Guignot Lazare, maire et officier de l’état civil de la commune d’Igornay, canton de Lucenay-l’Evêque, arrondissement d’Autun, département de Saône-et-Loire, est comparu le sieur Jean, Camatte, âgé de vingt-sept ans, cultivateur demeurant à Igornay, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né aujourd’hui à deux heures du matin en son domicile, de lui déclarant et de Marie Jarlot, son épouse, âgée de vingt-quatre ans, couturière, domiciliée aussi audit Igornay ; et il a donné à cet enfant le prénom de Jean. Cette déclaration et cette présentation ont été faites en présence de Camatte Charles, âgé de trente-trois ans, marchand, et de Baulot Joseph, âgé de vingt-neuf ans, boulanger, domiciliés tous deux à Igornay. De quoi nous a vons dressé le présent acte que nous avons signé avec le comparant et les témoins, après lecture.
[Signature] Camatte Jean / Beaulot Joseph / Camatte / Guignot

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Fiche matricule

Décédé

Nom : Camatte
Prénoms : Jean
Surnoms : _
Numéro matricule du recrutement : 1087
Classe de mobilisation : 1909


État civil :

Né le 26 octobre 1889, à Igornay, canton de Lucenay-l’Evêque, département de Saône-et-Loire, résidant à Arnay-le-Duc, canton d‘Arnay-le-Duc, département de la Côte-d’Or, profession de comptable, fils de Jean et de Jarlaud Marie domiciliés à Arnay-le-Duc, canton d‘Arnay-le-Duc, département de la Côte-d’Or.

Marié le _


Signalement :

Cheveux et, sourcils noirs,
yeux gris, front ordinaire,
nez moyen, bouche moyenne,
menton rond, visage ovale,
Taille : 1 m. 68 cent. Taille rectifiée : _ m. _ cent.
Marques particulières :
Degré d’instruction générale : 2


Décision du conseil de révision et motifs :

.

Classé dans la 1e partie de la liste en 1910.
Classé dans la _e partie de la liste en 19_.


Corps d’affectation / Numéros au contrôle spécial – matricule ou au répertoire

Dans l’armée active : 60e régiment d’Infanterie – 3417 / 367 / 3667

Disponibilité et réserve de l’armée active : Régiment d’infanterie Besançon – 134 / 015765
– Régiment d’Infanterie Lons-le-Saunier – 11 / 0391 / 21
– 71e bataillon de chasseurs – 3B / 05040

Armée territoriale et sa réserve : _


Détail des services et mutations diverses.

Inscrit sous le n°84 de la liste dans le canton de Arnay-le-Duc
Incorporé au 60e régiment d’Infanterie à compter du 5 octobre 1910
Arrivé au corps et soldat de 2e classe le 5 octobre 1910.
Soldat de 1e classe le 5 octobre 1911. Envoyé dans la disponibilité le 27 septembre 1912 en attendant son passage dans la réserve de l’armée active.
Certificat de conduite “accordé”. Affecté au régiment d’infanterie stationné à Besançon. Passé au 44e régiment d’Infanterie (Groupe cycliste de Montbéliard) le 1 octobre 1913. Classé affecté spécial de la compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée 2e section de chemins de fer de campagne, subdivision de compagnie, comme homme d’Equipe à Lons-le-Saunier du 5 octobre 1913 au 5 novembre 1913. Affecté au 44e régiment d’Infanterie (groupe cycliste de Montbéliard).
Rappelé à l’activité (Mobilisation générale du 2 août 1914) arrivé au corps le 2 août 1914. Passé au 71e bataillon de chasseurs à pied le 17 août 1916 (décision du général commandant chef 10278 du 13-8-1916). Suivant avis de disparition du Ministière de la guerre B7509 du 21 avril 1917 est signalé disparu le 4 mars 1917 au Bois des Caurières (Meuse) et présumé prisonnier. Signalé décédé le 31 mars 1917 près Flabas. Inhumé ancien cimetière militaire Flabas tombe 158 rangée 9.
Officiel 77.826 du 13 avril 1918.


Campagnes

Contre l’Allemagne du du 2 août 1914 au 31 mars 1917.

Blessures, citations, décorations, etc.

_.


Localités successives habitées
par suite de changements de domicile ou de résidence

Dates / Communes / Subdivisions de région / D : Domicile, R : Résidence

_.


Périodes d’exercices

Réserve : 1re dans le44e régiment d’Infanterie, du _ au _.
– 2e dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Armée territoriale : 1re dans le_, du _ au _.
– Supplémentaire dans le_, du _ au _.
Spéciales aux hommes du service de garde des voies de communication :_.


Époque à laquelle l’homme doit passer dans :

La réserve de l’armée active :_
L’armée territoriale :_
La réserve de l’armée territoriale : _
Date de la libération du service militaire :_

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Journal des marches et opérations du 71e bataillon de chasseurs à pied

Le 16 août 1916, le 71e bataillon de chasseurs à pied est relevé de son secteur en Meurthe-et-Moselle et part quelques jours se reposer, se reformer et s’instruire. Jean Camatte rejoint cette unité le lendemain. Le 71e est un bataillon de réservistes. Dans un discours eugéniste quelque peu déconcertant, l’Historique du bataillon rappelle que les chasseurs sont majoritairement des Vosgiens, Jurassiens et Morvandiaux, des gens calmes, chez qui il n’y a « pas de manifestations bruyantes, pas d’enthousiasme délirant. Des races vigoureuses et saines, gens de la terre pour la plupart, ils sont durs à la fatigue, ils respirent la force, et leurs traits et leurs regards décèlent une volonté ferme et tenace(1) ». Les chasseurs sont surtout des hommes petits ou de taille moyenne, et en excellente condition physique. Ils se doivent d’être rapides. Jean Camatte, chasseur, sert à Verdun de septembre à novembre 1916 où le bataillon se fait remarquer par ses actions mais où il perd beaucoup de ses effectifs. Arrive ensuite le terrible hiver 1917, celui qui gèle Seine et Marne, le port du Havre, et hante les soldats qui doivent survivre dans les tranchées. Le 1 février 1917, le bataillon arrive dans le secteur des Chambrettes, au Nord de Verdun et du fort de Douaumont. Avec des températures qui tombent parfois vers les -20 degrés, les éléments sont aussi dangereux que les Allemands qui sont fort bien implantés sur les hauteurs dans le bois des Caurières. Presque aucun jour ne passe sans que le lieutenant qui rédige le journal du bataillon n’évoque le pain et le vin gelés, les pieds mortifiés des soldats, les évacuations des malades, auxquels s’ajoute un manque de matériel pour lutter contre le froid et l’ennemi. Le 4 mars, les troupes allemandes s’élancent contre les positions françaises pour essayer de les enlever.

Le froid dans la Somme par Lucien Jonas. L’Illustration(2).
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Entrées du 26 février au 5 mars 1917 :

25-26-27-28 février
Repos. Le froid est toujours aussi vif. Quelques obus. Le chasseur Bobillier reçoit la médaille militaire. Le sergent Romanet est promu Adjudant et prend le commandement du peloton des pionniers.
1er mars
Le bataillon monte en secteur relever le 50e bataillon de chasseurs à pied. Le Chasseur Riandet reçoit la médaille militaire. Nous réclamons du matériel sans pouvoir l’obtenir.
2 mars
L’ennemi nous envoit de nombreuses torpilles. 2 blessés. Toujours grand froid.
3 mars
Un blessé par bombardement.
4 mars
A16hs l’ennemi déclenche brusquement sur tout le secteur un violent bombardement d’artillerie de 150 et 210*, de torpilles, de grenades à fusil. Beaucoup de projectiles à gaz. Les tranchées de 1ère ligne, la zone des abris et les boyaux sont fortement éprouvés. L’ennemi fait un violent barrage dans le vallon des Rousses. Dès le début, toutes les communications téléphoniques sont coupées. A 17hs le bombardement diminue un peu d’intensité, des avions ennemis qui nous survolent lancent des fusées rouges.
Chaque unité occupe ses emplacements de combat.
A 17H15, l’ennemi déclenche derrière nous à la faveur du bombardement il a [illisible] cerclé le 222ème régiment d’infanterie et nous prend à revers. Nous nous défendons devant nos abris et nos tranchés, le lieutenant Bligny et le capitaine Promard prennent la tête d’une contre-attaque, et mettent l’ennemi dans l’obligation de rentrer dans ses tranchées.
A 17H30, tout redevient normal, et, nous réoccupons tous nos emplacements, et les liaisons sont rétablies.
L’ennemi continue le bombardement qui est particulièrement violent sur les Rousses. Nos pertes sont très sérieuses : le lieutenant Duménil, le sous-lieutenant Bottier, le médecin aide-major Blaise, le médecin auxiliaire Le Bescaud et tout le personnel du poste de secours sont disparus, ainsi qu’un grand nombre de chasseurs de la 7ème et de la 8ème compagnies.
A 23H30, le bombardement continue toujours. La compagnie Roy vient du 50e bataillon de chasseurs à pied vient en soutien du bataillon.
5 mars
Pendant la nuit, nous travaillons à rendre occupables nos tranchées qui sont bouleversées. Dans la journée, l’ennemi nous bombarde à diverses reprises violemment. Nous avons encore quelques pertes. A tombée de nuit, nouvelle attaque sur la 9ème compagnie repoussée.
A 22H le bataillon est relevé par le 173e régiment d’infanterie.

* 150 et 210 : ce sont les calibres.

Davantage d’explications sur ce qui a pu arriver à Jean Camatte dans la partie « Données additionnelles ».

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Décès

N°70

Transcription du jugement constatant
le décès de Jean Camatte.
(décédé le 31 mars 1917)
Du 7 août 1920

Vu la signification à nous faite le sept août mil neuf cent vingt, de l’expédition d’un jugement rendu par le Tribunal de Civil de Beaune à la date du vingt-quatre juillet mil neuf cent vingt, nous transcrivons ici le dispositif dudit jugement :
Par ces motifs déclare constant le décès de Camatte Jean, né le vingt-six octobre mil huit cent quatre-vingt-neuf à Igornay, arrondissement d’Autun, de Jean et de Marie Jarlot, célibataire, mort pour la France, le trente-un mars mil neuf cent dix-sept à Flabas (Meuse). Dit que le présent jugement sera transcrit sur les registres d’Etat civil de la commune d’Arnay-le-Duc dernier domicile du soldat Camatte et qu’il sera fait mention dudit jugement et de sa transcription en marge des registres à la date du décès.
Jugé et prononcé le vingt-quatre juillet mil neuf cent vingt à l’audience publique civile du tribunal de première instance de Beaune (Côte-d’Or) où siégeaient M.M. Galopin-Labrely, Président, Lavirotte et Courtois, juges, en présence de Monsieur Malo, Procureur de la République, assistés de Monsieur Mugniot, commis greffier ; signé Galopin-Labrely ; Mugniot.
Transcrit le sept août mil neuf cent vingt, seize heures, par nous Georges, officier d’Académie, maire et officier de l’Etat civil de la ville d’Arnay-le-Duc.
[Signature] Georges

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Données additionnelles

La famille Camatte est originaire d’Igornay en Saône-et-Loire, non loin d’Arnay-le-Duc. En 1911, alors que Jean fils, dit Jean Charles, fait son service militaire, la famille, alors composée des parents et de Marie, née en 1891, réside rue Saint-Honoré.

La fiche de Jean Camatte dans l’index des soldats tués lors du conflit indique qu’il est caporal au 71e bataillon de chasseurs à pied(3). En revanche, nous n’avons trouvé aucune autre trace de ce grade dans le parcours du chasseur Camatte.

Le 4 mars 1917, les troupes françaises positionnées dans le secteur des Chambrettes, dont le 71e bataillon, subissent une violente attaque allemande. C’est d’abord un déferlement d’artillerie, puis un assaut qui est éventuellement repoussé, avant que ne reprennent les salves d’artillerie. Le J.M.O. fait part de la disparition de l’entièreté du personnel présent au poste de secours, ainsi que de nombreux chasseurs des 7e et 8e compagnies. Ce secteur, ainsi que le bois des Caurières, sont situés sur le territoire de la défunte commune de Bezonvaux. Dans la cohue des bombardements et des assauts, il est courant que des soldats soient portés disparus, alors qu’ils sont tués à l’ennemi. Mais c’est presque un mois plus tard, le 31 mars, que Jean Camatte est officiellement reconnu comme tué après avoir été présumé prisonnier, ce qui laisse supposer que son corps est alors retrouvé et identifié. Ce lapse de temps pour retrouver le corps est assez long dans ce cas précis, car les soldats français tués lors de l’attaque du 4 mars le sont dans leur tranchée. Autre élément, il est noté que Camatte est mort à Flabas, aujourd’hui Moirey-Flabas-Crépion, environ 9 kilomètres au Nord de Bezonvaux. Nous présumons donc que Jean Camatte fut fait prisonnier et conduit dans le « camp de représailles de Flabas ».
Le camp de représailles de Flabas est la réponse allemande à l’emploi de prisonniers de guerre vers le front par la France. En effet, les Français utilisent des prisonniers allemands pour effectuer des travaux d’aménagement et d’entretien, notamment le long de la Voie Sacrée. Cela en contradiction avec les usages de la guerre et les conventions internationales qui empêchent l’emploi de prisonniers à moins de 30 kilomètres du front, de cacher le lieu de leur internement et de les empêcher de correspondre avec leur pays. Au courant de cette pratique, les autorités allemandes demandent à la France d’y mettre fin. Cette demande restant lettre morte, les Allemands, dès le 15 janvier 1917, rassemblent des prisonniers français vers Lissey dans des parcs barbelés de 2 mètres de large sur 3 de haut, sans possibilité de se protéger du froid et de la neige. Les prisonniers vivent dans ces conditions plusieurs jours. Quelques temps plus tard, ils sont conduits dans un camp de fortune à Flabas où 500 hommes doivent loger une masure qui peut accueillir seulement 200 hommes. Ils font également face à de féroces gardiens qui n’hésitent pas à humilier ou torturer les prisonniers. Parmi les sévices qui leur sont infligés, celui du poteau qui consiste à attacher un « mauvais prisonnier » dehors, par les mains, dans une position presque christique. Le camp est démantelé le 30 avril lorsque la France annonce accepter les conditions allemandes. Les prisonniers qui ne sont pas mort de froid, de faim, de blessures ou des sévices des gardiens, sont alors transportés dans de véritables camps en Allemagne. Le lieutenant Léon Cuvelle a laissé un frappant récit de son expérience du camp de représailles que vous pouvez retrouver sur ce site(4). Il est fort possible que Jean Camatte se trouve à Flabas entre le 4 mars et son décès. D’autres chasseurs du 71e bataillon en font la terrible expérience.

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Les premiers “parcs” barbelés où vivent les prisonniers français, d’après Léon Cuvelle.(5)
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Le soldat arnétois Eugène Sagrange, du 255e régiment d’infanterie, se trouve également dans le secteur des Chambrettes et du bois des Caurières. Il est tué le 21 mars 1917.

Carte

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Sources

  • A. D. de la Saône-et-Loire, état civil numérisé, Igornay 1883 – 1892 (5 E 237/10), Camatte Jean, n°44, 1889, vue 53/260.
  • A.D. de la Côte-d’Or, recrutement militaires (1867-1940), classe 1909, bureau d’Auxonne (R 2464), vue 139/519.
  • S.H.D, Mémoire des Hommes, Journaux des marches et opérations des corps de troupe, 71e bataillon de chasseurs à pied, 31 juillet 1914 – 14 juin 1918 (26 N 834/16), vue 49/60.
  • A.D. de la Côte-d’Or, état civil numérisé, Arnay-le-Duc 1916 – 1920 (FRAD021EC 26/041), Camatte Jean (jugement), n°70, 1920, vue 298/329.
  • (1) (1920), Historique du 71e bataillon de chasseurs à pied, campagne 1914-1918, Paris, Chapelot (éditeur), p. 3. [En ligne] Disponible sur Gallica.
  • Jonas, Lucien, « Le froid dans la Somme ». Illustration trouvée sur Pierlouim (s.d.), « Centenaire 14/18 : froid intense dans l’hiver 1917 et crise du charbon » in Dreux par Pierlouim [En ligne] (consulté le 26 mai 2022). Le style de l’illustration est semblable à celles publiées par L’Illustration mais nous n’avons pas trouvé l’originale.
  • (3) S.H.D, Mémoire des Hommes, base des Morts pour la France de la Première Guerre Mondiale, fiche de Camatte Jean Charles.
  • (4) Aubry-Coupard, Georges (s.d.), « Flabas et le camp des représailles » in Le site internet de Lissey [En ligne] (consulté le 26 mai 2022).
  • (5) Ibid.